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Citations

  • Nuit de la lecture à Espeluche "Le corps"

    Nuit de lecture le 19 janvier 2024, organisée par l'association Le Banc Dez'arts

    Malgré le mistral, des participants se retrouvent à 18h30 au banc seigneurial de justice. Les mots s'élèvent un peu gelés à l'instar des paroles ouïes par Pantagruel dans le Quart Livre de Rabelais. On traverse les saisons, les siècles. Hier est aussi aujourd'hui.
    Il faut vite se réchauffer au Broc Café. Au milieu d'objets hétéroclites, les habitants se rassemblent, boivent un verre de rouge capiteux et des tartines servis par Charlotte.
    Après une présentation de Jean Phi, président du Banc Dez'arts, l'un d'entre nous entonne chanson vieille de 80 ans qui donne le ton : "J'ai la rate qui s'dilate J'ai le foie qu'est pas droit J'ai le ventre qui se rentre J'ai l'pylore qui s'colore".
    D'autres lecteurs suivent. Les voix montent fragiles ou assurées. Chacun se livre avec simplicité. Nous sommes là pour le plaisir des mots et le corps peut bien être désarticulé. "La différence entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion", a dit Einstein. Ce soir on défroisse le temps. Les visages sont ouverts. 
    Plaisir de lire et de partager les textes qu'on aime. Il est recommandé de faire bref, mais une lectrice prise dans son élan, ouvre les vannes et c'est un fleuve qui se déverse. C'est dire le plaisir de lire à voix haute, une ivresse. Pouvoir des mots qui nous bercent, nous enchantent, nous réunissent. Le ton est à l'humour avec des textes inspirés de l'Oulipo où les syllabes jouent leur musique et sortent des formes convenues. Corps exaltés mais aussi corps empêchés, comme ceux des Iraniennes et Afghanes évoquées. Une pensée pour elles à travers un poème : C'est pour vous que je danse.
    En cette soirée, la lecture exalte son royaume. On s'émerveille des syllabes prononcées qui font jaillir pour chacun images, surprises, souvenirs. Magie d'un kaléidoscope. On se remplit "d'imaginé" ensemble dans ce village chaleureux. 
    Ce sont davantage les textes que les auteurs qui sont célébrés, cependant Arthur Rimbaud réussit à émerger dans les mots de Jack Kerouac et la voix de Christian. Un plat de résistance.
    Un beau moment.
    Geneviève

  • Rencontre avec la poète Marie Huot

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    Nous sommes le 4 octobre 2023 à la librairie Chant libre à Montélimar à 18h. 

    Marie Huot présente des extraits de ses ouvrages en présence d'Alain Gorius, éditeur d'Al Manar.

    Elle a publié plusieurs ouvrages avec des artistes. Elle parle de ce lien dans la création commune qui se tisse dans la proximité, la spontanéité et l'ouverture à l'autre. 
    Elle a la grâce et la simplicité d'une fleur des champs. On dirait qu'elle a parlé avec le vent qui a déposé sur elle des pollens de pays proches et lointains, des pays enfouis au fond de nous. Sa voix douce nous les transmet naturellement, comme une évidence. Le parfum de ses mots nous habille d'une robe légère qui nous fait sentir ce vent. Alors nous pensons plus juste. Nous pouvons alors accueillir la nuit qui ne ment pas, la mémoire qui est une source.
     
    On ne peut pas parler de sa poésie. On ne peut que la relire et entendre les mots frapper à notre porte. 
    Vous donnerai-je sa voix bleue, sa voix de cheval ?
     
    "Ma voix de cheval dit
    je suis née au bord de la mer et dans les vignes
    je suis née en montagne à la lisière des forêts
    je suis née dans la tête de quelqu'un qui s'aventurait
    je suis née et pas encore
    aux abords d'un petit carrefour
    sous la neige
    quelque part loin d'ici"
     
    *
    "Il arrive que la nuit vous prenne et vous enroule
    dans son noir et le mêle au noir d'un deuil qui n'en finit
    pas de cisailler votre branche"
     
    *
    "Ma voix bleue dit

    Est-ce toi pris dans la glace sous le bois ?
    est-ce toi qui en moi ne dors pas ?”
                           
    Extrait de   Le nom de ce qui ne dort pas. Editions Al Manar
     
    Présentation de Geneviève

  • Poésie-musique au jardin

     

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    Le dimanche 4 juillet 2023, chez Anne-Marie et Philippe à Grillon dans la Drôme, les amis se rassemblaient pour écouter un quatuor de saxophones d’abord.
    Puis ce fut le tour du duo M'Diam de Dominique et Laure, avec la participation de Geneviève pour un programme de poésies, chansons et musiques, à partir d’Un caillou qui pense oiseau, un recueil de G.Briot : 
    “Le cri de la chouette
    lueur coulée dans le noir
    rivière autour de mon cou
    Souviens-toi que tu es lumière
    et que tu retourneras à la lumière”
    Ce fut un moment de convivialité et de partage.

  • "Écrire est un caillou qui veille" par le duo M'Diam à Lascours

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    Dominique Divrechy et Laure de Matharel ont composé une lecture musicale à partir de cette phrase du recueil "Un caillou qui pense oiseau" de Geneviève Briot.
    M'Diam veut dire en langue peule "eau". Diam seul veut dire "paix".
    Elles ont donné ce récital dans mon salon le 13 mai 2023 devant une vingtaine de personnes en présence de l'auteure. 
    La kora de Laure égrenait ses gouttes de musique pour accompagner Dominique à la voix parlée ou chantée.
    Elles avaient choisi d'élargir l'univers poétique de "Un caillou qui pense oiseau" avec des textes d'autres poètes, Christian Bobin, Monique Domergue, Andrée Chedid, Hélène Cadou, Gaëlle Josse, Alain Borne, François Cheng. Des chansons d'Anne Sylvestre et de Michel Legrand entraient en résonance. Le waterphone de Laure prolongeait l'écoute sur des ondes aquatiques. 
    Toutes deux ont souvenir de l'Afrique où elles ont vécu ; venues de son enfance là-bas, Dominique a improvisé des mélopées qui ont fasciné l'auditoire.
    Geneviève Briot participait à la lecture. Dans le poème L'orée du bois, elle parle d'ourler sa vie côté forêt / de se tenir à la lisière d'une nature indomptée.
    Un moment magique, une bouffée d'air pur, diront les spectateurs émus, au cours de l'apéritif qui a suivi.
    Naïs

  • Libertexte, librairie associative à Marsanne (Drôme)

    Est-ce une caverne aux yeux bleus ? Une tour de Babel ? Un bonheur-du-jour ?
    Devant la porte, des livres disséminés comme des cailloux de petit Poucet indiquent le chemin vers une maison-forêt où l'on se perd. Des senteurs d'encre et de papier vous envahissent et les yeux hésitent à se poser. Les mots des titres s'accrochent aux cheveux, tatouent l'intérieur de la peau. Cela peut faire peur. On risque l'envoûtement.
    Bien des librairies ont ce pouvoir hypnotique. Mais ici on échappe à la tyrannie du "vient de paraître", l'écume de la littérature. 
    Papiers jaunis, couvertures vieillies sont les rides des livres. On se sent en visite chez ses arrière-grands-parents, chez des aïeux qui parlent doucement, pour qui il faut tendre l'oreille. 
    Allons ! Je plonge dans la vague poésie sans savoir ce que je vais rapporter des fonds marins. Je cueille une revue "Poésie 88" et les mots de Pierre Seghers s'offrent à moi. Il dit que la poésie ne fait pas partie de la littérature :
    Autre est la poésie… Elle n'entre pas dans le labyrinthe avec l'ambition, la volonté de marquer son couloir. Un lien déraisonnable la lie aux mots, à la musique, aux parfums. Elle n'a pour ordre que celui de la vie. Un chant profond,… un pouvoir singulier, celui de l'évidence, celui de l'existence…
    Pierre Seghers a consacré sa vie à la poésie. Il l'a éditée, en créant en particulier la collection "Poètes d'aujourd'hui". Un léger bateau qui part pour l'aventure, a commenté Colette Seghers à cette époque, en 1944. Cette collection a permis de faire connaître les plus grands poètes : Paul Eluard, Guillevic, Henri Michaux, Marcel Béalu, Pablo Neruda etc. 
Dans la même revue, André Velter écrit : Pierre Seghers avait le ferveur communicative, l'amitié enracinée et le regard toujours ébloui par une merveille nouvelle. Dans l'âme, il était sourcier ; il suivait d'instinct tous les chants souterrains : ceux qui allaient surgir torrents, comme ceux qui resteraient murmures… Il avait le sang hanté par toutes les voix du monde et savait combien la poésie est l'accès le plus soudain à la citoyenneté universelle.

    J'ai poursuivi ma promenade dans les ruelles des livres au rez-de-chaussée et au premier étage, en m'attardant çà et là, mais j'étais déjà comblée par la revue qui m'avait choisie. Car n'en doutez pas, c'est le livre qui choisit son lecteur.

    Geneviève

  • Chemin faisant - Balade poétique à Condillac

    En ces temps troublés par la guerre en Ukraine, par les tempêtes qui secouent la planète, des petites joies se faufilent dans les villages et sur les chemins de campagne.
    Geneviève et André, les colporteurs-liseurs, ont été sollicités par la médiathèque de Montélimar dans le cadre de Itinérance(s) ; à eux, se sont greffés d'autres liseurs : Naïs, Juan-Antonio et deux jeunes musiciens, Esteban saxophoniste et Maïa violoncelliste. Une équipe pour faire entendre poésie d'ici et d'ailleurs.
    Une trentaine de promeneurs s'étaient rassemblés autour d'eux ce samedi 30 avril.
     
    Revenir à la source, aux sources de la Layne à Condillac qui eurent leur moment de prestige quand elles étaient autrefois exploitées.
    J'écoute le murmure des sources, dit Naïs, des mots extraits d'un recueil Un caillou qui pense oiseau. Et ils sont là les oiseaux dans les branches qui s'agitent sous la brise. Se disent alors des mots sur l'importance de l'eau d'un poème touareg.
    Il y a presque toujours dans les lectures des colporteurs-liseurs des textes teintés d'humour du poète ardéchois Paul Vincensini qu'ils ont connu :
    Moi j'ai toujours peur du vent 
    Me voici 
    Mes poches 
    Bourrées de cailloux
    Pour rester avec vous
    Ne pas m'envoler dans les arbres
     
    On grimpe alors sur la colline, tandis que des interrogations de Guillevic ponctuent la grimpette :
    La force de qui / La force de quoi / Rêvez-vous d'avoir / Et c'est pour quoi faire ?
    Christine de la mairie de Condillac se lance et pose une question de Michel de Maulpoix : À qui, à quoi as-tu donné ton temps ? 
    Le groupe manifeste le plaisir de l'échange, du printemps, du partage.
    Esteban sur son saxophone élève aussi sa question musicale, libre d'interprétation. Ses notes de cuivre accompagnent certains textes et illuminent l'instant. Sa sonorité sait devenir murmure pour doubler la voix d'André qui conte comment il est né de ses voyages : route route route soixante fois route je suis né d'elle.
    Le poème Les exilés rappelle les dures épreuves des déracinés dans le monde et la nécessité de les accueillir. Ils viennent à notre rencontre, dit le poème de Geneviève.
    Arrive le texte de Jean Louis Novert Nous sommes d'une longue marche. Jacky le maire de Condillac nous conte  l'histoire du château qu'on aperçoit environné par la forêt.
    Avec un texte de Natyot, Naïs parle de déplacer les montagnes.
    Tel est le pouvoir de la poésie, éveiller en nous l'essence des choses et nous donner la force d'agir. La meilleure impulsion ne serait-elle pas celle de l'amour ? Alors on entend les mots d'Alain Borne, poète montilien : Le monde est nu, je voudrais le vêtir d'un poème d'amour comme la page blanche.
    Les voix mêlées de Geneviève et André disent : Il y aura ceux qui s'aiment de Andrée Chedid.
    À la fin du parcours, c'est Maïa avec son violoncelle qui accueille les marcheurs. Elle accompagne Juan-Antonio qui dit en français et en espagnol un poème de Pablo Neruda sur Federico Garcia Lorca.
    Le spectacle nomade se clôt sur une phrase : L'espace est libre et les jeunes musiciens en harmonie l'expriment à leur façon. Ils nous enchantent avec un dernier morceau, La toccata de Girolami Frescobaldi. 

    Geneviève et André

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  • Balade poétique à Savasse, le 26 mars - Itinérance(s)

    Avec André et Geneviève, les Colporteurs- liseurs et une cinquantaine de marcheurs
     
    Sur la colline, sous les remparts, les poèmes des livres prennent voix. Des poètes d'aujourd'hui et d'autrefois, d'ici et d'ailleurs, africains, amérindiens, revivent dans les rues, près des églises, s'envolent avec les oiseaux dans la plaine.
    Les poèmes se mettent à battre dans les corps des marcheurs et dans les pierres.
    L'invisible enlace le visible.
    Un élan de partage nous unit.
    Bouquet de ferveur.
    La vigne des anciens toujours vivace fait couler les meilleurs cépages dans la voix de Claude, un participant.
    Nous marchons dans le manteau du printemps, prêts à faire éclore nos désirs secrets.
     
    Quand tu es mal à l'aise 
    dans ton cœur
    va marcher
    dit l'Amérindien Ted D. Palmanteer
     
    Écoute plus souvent
    Les choses que les êtres
    La voix du feu s'entend
    Entends la voix de l'eau
    Écoute dans le vent
    Le buisson en sanglot :
    c'est le souffle des ancêtres
    dit L'Africain Birango Diop
     
    Le monde est nu, je voudrais le vêtir d'un poème d'amour comme la page blanche,
    dit le Montilien Alain Borne

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  • J'écris au fond de mon lit

    Lettre d'un colporteur-liseur N°34
    "J'écris au fond de mon lit" de André Cohen Aknin
    Les textes cités sont tirés de "Le banquet silencieux", Paul Vincensini, Ed. Culture et Pédagogie. Et "Manifeste sur l'amour faible et l'amour amer" de Tristan Tzara 
     
    J'écris au fond de mon lit.
    La faute à ce foutu vaccin. Toute une nuit à délirer, à prendre des cachetons. Des images incroyables passaient dans ma tête. J'étais sur un navire marchand à cuisiner des cookies, moi qui n'ai jamais fait le moindre gâteau. J'engueulais ma voisine madame Lombard, alors que je lui voue une admiration sans limites. Imaginez une vieille dame avec un chapeau à fleurs dans son jardin chaque matin. J'essayais d'entrer dans une baignoire avec une chambre à air de camion, celle qui me servait de bouée lorsque j'étais enfant. À côté de moi, un homme se débattait. Je pensais à un des migrants morts en mer du Nord, il y a deux jours, mais non, c'était un Bosniaque, l'ouvrier avec qui je travaillais il y a belle lurette. Puis d'un coup, mes autres compagnons d'atelier sont apparus. Il y avait Jean le contremaître que rien n’étonnait, le roi de l'épure. Roger le trublion, toujours un mot pour rire, expert en scie circulaire et en coup de fourchette. Pierre au traçage. Fallait pas se louper avant d'envoyer les bois chez le toupilleur.
    Quand ils me voyaient avec un bouquin, ils tiquaient. Ils n'étaient pas contre, mais ils ne voulaient pas que notre singe, le patron, s'en aperçoive et les soupçonne de parler littérature au lieu de bosser.

    Longtemps, j'ai lu pour me remplir, pour découvrir et pour frimer auprès des filles, jusqu'à ce que ça devienne une habitude, un besoin, un refuge. J'avalais tout ce qui me tombait sous la main, avec, au début, une prédilection pour Dostoïevski, Camus et son théâtre, Hermann Hesse avec son "jeu des perles de verre", Zola pour son "ventre de Paris", un peu de Giono. J'entrais dans leurs mondes. Je m'en rassasiais, comme si j'avalais ces plats copieux que l'on sert dans les restaurants d'ouvriers.

    Où sont mes compagnons aujourd'hui ? J'aimerais tant échanger avec eux. Je sortirais les mots cachés dans mon bleu de travail, au moment de la gamelle, et leur dirais que la poésie dense, épurée, discrète, parfois débridée, un peu folle, n'est pas une parole de bois tendre poussé à la va-vite, rempli d'aubier et désagréable à travailler, non, qu'elle est un bois de la meilleure espèce, chêne, noyer, palissandre, coupé à la bonne lune et séché sans hâte à cœur, où chaque ligne donne sève à un meuble, comme à une phrase.

    Je citerais  Emmanuel Hocquart et leur dirais que "c'est au contact de la poésie que j'ai peu à peu réappris à lire". (1) Oui, chers compagnons, la poésie permet de lire autrement, de cheminer comme bon vous semble. Il y a certes le style du poète, mais vous n'êtes pas obligé de le suivre, vous pouvez vaquer au bord des phrases, vous arrêter sur un simple mot, qui, à l'instant où vous le croisez, contient le monde entier. Vous pouvez aussi vous retrouver face à de larges espaces qui semblent vides mais qui, en réalité, ne le sont pas. Je pense aux intervalles d'André du Bouchet que je prends pour des pistes de danse.

    Vos mains d'ouvrier sauront caresser l'aspérité des voyelles et le lisse des consonnes. Vous découvrirez que les vers courts sont des épines bleues et que l'octosyllabe possède une peau flétrie. Quant aux vers libres, ils feront de vous des équilibristes. Excellent pour la pose des planches de rive à huit ou dix mètres de hauteur.

    Je leur parlerais volontiers de mon masseur-magnétiseur de Montélimar. Pour le voir, il faut traverser une épicerie, contourner l'étal de légumes, longer le comptoir réfrigéré avant d'accéder à une petite pièce sur cour. Cet homme lit les corps, comme s'il tenait un livre. Sans rien lui dévoiler, il sait tout de nos stigmates, de notre vie.

    La poésie naît d'une source et devient source. Elle donne parfois l'impression de retrouver quelque chose ou quelqu'un que nous avons connu, il y a fort longtemps. Une voix ancienne, d'avant notre naissance et, peut-être, celle d'un jumeau intra-utérin disparu.

    Je leur dirais aussi, qu'avec la poésie, ils apprendraient à aimer, même mal.
    Je suis le seul débout
    Tous mes amis sont là assis
    Ils me sourient
    Avec leur beau regard
    Car je suis encore en retard
    Mais la table
    Je ne dis rien
    Mais je l'ai bien vue
    Mais les quatre pieds de la table
    Sont à deux doigts
    Au-dessus du sol
    Ne pas leur faire de peine
    Fermer les yeux
    M'asseoir près d'eux (2)
    S'ils ont encore un doute, je leur demanderais de se rapprocher d'un poste à ondes courtes et de s'abreuver pendant des heures d'affilée des voix nasillardes de stations lointaines, de Macao à Vancouver, en passant par Dakar et São Paulo. Ils pourraient ainsi trouver la porte au bout de la douleur dont parle Louise Glück.

    Si ce n'est pas le cas, alors ils pourraient s'essayer à l'écriture. Je leur conseillerais pour débuter (dans la bonne humeur) de faire un poème à la manière dadaïste. La table d'épure de l'atelier conviendrait parfaitement.
    Pour faire un poème dadaïste
    Prenez un journal.
    Prenez des ciseaux.
    Choisissez dans un journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
    Découpez l'article.
    Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
    Agitez doucement.
    Sortir ensuite chaque coupure l'une après l'autre.
    Copiez consciencieusement
    dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
    Le poème vous ressemblera. (3)
    Aux infos de midi, j'apprends que le virus Covid aurait de nouveau muté du côté de l'Afrique australe et qu'à nos vaccins d'aujourd'hui, il faudra peut-être en ajouter d'autres. J'en conclus que j'écrirai de nouveau au fond de mon lit.

    André Cohen Aknin
     
    (1) Cité dans un "Nouveau monde, Poésies en France 1960-2010", Editions Mill&unepages Flammarion, à propos des Editions Oranges Export Ltd (1969-1986)
    (2) Le banquet silencieux, Paul Vincensini - tiré de "Toujours et Jamais" - Ed. Culture et Pédagogie)
    (3) Extrait du Manifeste sur l'amour faible et l'amour amer. Tristan Tzara (1920)

  • Des saveurs et des livres au Bazar de St Martin en Vercors

    "Des saveurs et des livres" au Bazar de St Martin en Vercors,
    par Geneviève Briot

    Du 6 au 12 août 2021 était organisé le Bazar de St Martin en Vercors, à l'initiative de la Cie Cyrène, avec Michel et Jacotte Fontaine : musique, théâtre, danse, lectures, film et chants au fil de la semaine sur le thème Le pain dans tous ses états.

    Nous les Colporteurs, André et Geneviève, avec Naïs, nous présentions une lecture Des Saveurs et des livres, un menu différent chaque jour. Nous étions dans la rue, sous le regard bienveillant de Raymond et Ginette, nos voisins de porte. Nous affichions des poésies comme d'autres accrochent leur lessive, montrant ainsi nos dessous les plus intimes, les poésies qui nous collent à la peau. Les cailloux peints et les tissus poèmes de Naïs montraient le chemin de la place jusqu'à nous.

    Nous présentions nos derniers ouvrages : Un lit dans l'océan, le lien entre une mère et son fils ponctué de saveurs orientales, D'azur et de feu où Josette l'héroïne croque la vie à belles dents.

    Ces extraits étaient ponctués de poèmes de Blaise Cendrars, Mahmoud Darwich, Guillevic, Pablo Neruda, François Cheng, Alain Borne, Paul Vincensini, Jean-Louis Novert et autres boulangers et pâtissiers des mots.

    Avec les Touaregs, nous avons fêté l'eau : "Annoncez que l'eau doit être partagée, annoncez-le à tous les peuples de la terre", tout en accueillant Omar Khayam venu de la Perse du XIIe siècle pour célébrer le vin.

    Notre table était ouverte à tous. Bernard Vandewièle est venu parler de son livre Brigitte l'œuvre à vif, Juan Antonio Martinez a slamé accompagné par Esteban au saxophone, Marie a chanté un poème de Victor Hugo, Cécile a dit La lionne de Jacques Prévert…

    Dans cette période de pandémie où nous avons été privés de lectures publiques, ce fut un plaisir de partager avec des personnes réellement présentes.

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