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Geneviève Briot, André Cohen Aknin, Bleu 31 - Page 20

  • Afrique du sud et poésie

    51OOSuzKW0L._SL500_AA300_.jpgNée souvent à l’oral, venue du bantou, du bochiman, du zoulou, du xhoza et traduite en anglais ou en afrikaan, la poésie d'Afrique du Sud revendique l’égalité des peuples.

    « ll n’y a pas pire exil que l’exil à l’intérieur du pays », écrit Oupa Thando Mthimkulu.

    Denis Hirson qui a composé une anthologie publiée chez Actes Sud écrit que les poètes ont su inventer les voix de la terre, conscients que son avenir est plus une énigme qu’un rêve.

     

    "Apprendre à parler, dit Jérémy Cronin

    Avec les voix de la terre

    Fouiller les discours de ses rivières,

    Saisir dans le grognement confus,

    Bégaiement, cri, appel, bredouillement, embrouillaminis

    Un sens de l’essence de ces pierres

    D’où tous les mots sont ciselés.

    … Là-bas en bas près du niveau d’eau, sentir

    La pleine lune battre

    Dans l’arrière-gorge

    Sa voyelle de peau tendue.

    … Exprimer sans avaler

    Les syllabes nées dans les taudis, ou attraper

    Le train de Cinqueuetqua

    de Channisbou, arriver

    Au chant de basse de l’équipe des mineurs

    Lueur minérale de la résolution sans faille de notre peuple.

    Apprendre à parler

    Avec les voix de cette terre. »

    « Être vulnérable, c’est être pleinement humain. C’est la seule façon de pouvoir saigner dans l’autre », dit Antjie Krog

    C’est cette fragilité devant la transformation du pays qu’exprime Seitlhamo Motsapi :

    « J’ai un œil plein de rêves et de desseins

    l’autre - plein de miroirs brisés

    et de cloches fêlées

    … saluons la route longue et difficile

    saluons les ténèbres impénétrables

    … saluons nos déchirures et nos infirmités

    … saluons le silence et ses mystères »

  • Copie conforme

    Le 19 mai, nous sommes allés voir au Lux scène nationale à Valence le dernier film d'Abbas Kiarostami, « Copie conforme » avec Juliette Binoche et William Shimmel.

    Un écrivain, plutôt désinvolte, fait une conférence sur les relations entre l'œuvre d'art et la copie, cette dernière n'étant pas à minimiser. Une jeune femme, galiériste, assiste à sa prestation, avec le souci de rencontrer plus personnellement l'écrivain. Elle est perturbée dans son écoute par son fils adolescent et doit quitter la conférence. La rencontre a lieu un peu plus tard et la jeune femme jouée par Juliette Binoche, emmène le conférencier à la découverte de la Toscane. De belles images en voiture où les visages des protagonistes s'inscrivent sur le flou des façades qui défilent alors que la conversation hésite, trébuche. Déjà, le réel banalisé semble se dessiner en couches superposées. Peu importe qu'elle le conduise dans un musée pour lui montrer une copie adulée par les habitants du lieu alors que l'original se trouve dans un autre musée. Par le jeu de la caméra qui glisse d'un personnage à l'autre, d'un visage à l'autre, la rencontre de séduction bascule, devient l'histoire d'un autre couple. Où est l'original et où est le fictif ? C'est un film qui requiert la participation du spectateur. On essaie de se remémorer la chronologie des paroles, des gestes, pour trouver des repères.  Tous se mêlent, comme si le vrai et le faux allaient l'un avec l'autre. « En vérité » n'est pas seulement vérité. La face éclairée n'existe qu'avec son ombre. Abbas Kiarostami comme un auteur qui écrit une fiction autobiographique sème le doute au long du chemin. Tout le plaisir est de se laisser égarer. L'imaginaire ne mène-t-il pas toujours à plus de force que le simple rapport du réel ? Ajoutons à cela que trois langues s'entremêlent : le français, l'anglais, l'italien. Ce couple dédoublé se dévoile côté pile et côté face. On reste fasciné par Juliette Binoche tour à tour, coquette, agacée, revendicatrice, sensuelle, tendre.

    Nous avions vu en 2000 un autre film d'Abbas Kiarostami, « Le vent nous emportera » qui se déroulait dans un village du Kurdistan iranien. Un film inoubliable au rythme lancinant tourné dans des paysages grandioses, ceux de paysans pauvres. Tout au long on s'interroge sur la présence du soi-disant ingénieur qui passe son temps à escalader une colline pour pouvoir téléphoner. Il pourrait devenir haïssable, mais une situation imprévue lui permet d'exprimer un peu de générosité.

    Dans « Copie conforme » par un quiproquo extérieur, les personnages sont entraînés là où ils n'avaient pas prévu aller, au cœur d'eux-mêmes. C'est un film aux multiples facettes qu'on ne peut épuiser en quelques phrases. Une des questions traitées dans le film est que ce n'est pas l'objet qui est important, mais le regard sur l'objet.

    Juliette Binoche vient d'obtenir à Cannes le prix d'interprétation. Bravo à cette magnifique comédienne !

     

     

     

  • Printemps couleur femme

     

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    Femme dans l'univers

    modelée avec les paysages

    tant le rayonnement des prairies

    que l'ombre des forêts

    le sursaut des torrents aussi

     

    Je suis le patchwork des champs

    la broderie des fleurs

    la vague des céréales

    Je m'habille

    de la clameur de la ville

    du chatoiement des marchés

    J'épouse

    les craquelures de la terre

    le vernis vieilli des toits

    l'éclat des terrasses

     

    Je suis

    le tendre et le violent

    le sombre et le vif

    les coquelicots d'amour et de sang

    les lavandes et leurs abeilles

    je suis la forêt canadienne

    les ciels étoilés du Sahara

    la crête des montagnes

    la neige qui saisit l'espace

    Je suis femme

    et j'entre dans le chant de l'univers

    Geneviève Briot

    Poème paru dans la revue Cairns n°6 printemps des poètes. Cette revue est éditée par les éditions de la Pointe Sarène à Mouans-Sartroux 06370 et les éditions associatives Gros Textes à Fontfuranes 05380 Chateauroux les Alpes sous la direction de Patrick Joquel et Raphaël Thélème. http://grostextes.over-blog.com

    Elle se propose d'éveiller l'esprit poétique, particulièrement dans les écoles en lien avec la création aujourd'hui.

    31 poètes ont participé à ce numéro.

     

     

  • Lecture à la maison de retraite

    Nous sommes à l'EHPAD de Romans, résidence Clairefond, le jeudi 11 mars.

    Les résidents ont fait demi cercle devant nous. S'ils sont là, c'est que ce sont des personnes « désorientées », leur vitalité s'est détricotée, en vieillissant et leur esprit s'est embrumé. Certains ont une véritable attente, d'autres semblent absents. Une femme chantonne interminablement « le plus beau des tangos du monde ».

    Donner à entendre des histoires, c'est tenter de renouer le fil des mots aux événements d'une vie. Des histoires courtes, des poèmes. « La gamelle » d'Italo Calvino rappelle le repas qu'on emportait pour manger à midi sur le lieu de son travail. « Ouiquenne » de René de Obaldia fait jouer les mots, les rythmes. Un poème dit l'importance de l'eau et nous emmène dans le désert. Un boulanger dans un village converse avec Najib le petit Algérien, José le petit infirme dit son plaisir de goûter le printemps sur le pas de la porte. Les textes offrent des sensations, invitent à l'évocation de quelques souvenirs chez les spectateurs. Oui, ils se souviennent de la gamelle, des départs de la famille en voiture. Des visages s'éclairent. La musique des mots exerce un pouvoir dont on ne connaît pas l'impact.

    Nous finissons sur un poème de Raymond Queneau mis en musique et nous chantons ensemble. Une dame parle de « La nuit de Rameau » qu'elle chantait autrefois dans son village. Sa voix s'élève, un peu rocailleuse mais juste : « Oh nuit qu'il est profond ton silence ! ». Les mots que la mémoire restitue sont là, bien vivants. Je veux vous embrasser, dit-elle à Geneviève, au moment du départ.

    Cette lecture s'est faite à l'initiative de l'Association Bleu 31

     

  • Pause Café littéraire à La Motte de Galaure

    P1040577_2.JPGLa bibliothèque de La Motte de Galaure est au cœur de ce village tout au Nord de la Drôme. À travers de larges baies vitrées les livres sur les étagères semblent faire des signes. Le 31 janvier 2010, quatre auteurs étaient invités : Rina Santoro, Christian Watremez et nous-mêmes, Geneviève Briot et André Cohen Aknin.

    Odile, une bibliothécaire bénévole, nous accueille dans un domaine où rayonnent imaginaire et peinture du réel. C'est un endroit chaleureux à dimension humaine loin de l'univers médiatisé, imagé et foisonnant d'internet qui accapare les hommes et les femmes en ce début de XXIe siècle.

    Nous avons toujours du plaisir à trouver des bibliothèques dans les petits villages. Ce sont, à coup sûr, des endroits de rencontres et d'échanges irremplaçables. En général, cela n'est possible que grâce à l'initiative de quelques passionnés. À La Motte de Galaure, quinze femmes font vivre ce lieu. Toutes ont l'amour de la lecture, une curiosité en éveil et l'envie de partager leurs découvertes.

    Des lecteurs de tous âges se succèdent tandis que circulent thé et gâteau maison. Une petite fille emporte un album, « Histoire d'éléphant » en le serrant contre elle. Un autre s'assied sur des coussins pour tourner des pages. Les paroles, vont, viennent, les auteurs racontent. André lit un passage de « La lèvre du vent » à des adolescentes. La lecture à voix haute exerce toujours sa fascination.

    Une jeune fille demande comment on écrit un livre.

    Comment répondre à une pareille question ? À la question « pourquoi ? », nous aurions pu répondre : « parce que » à l'instar du poète Blaise Cendrars. Mais là, il s'agit bien de « comment ». Le comment suppose une technique qui n'est qu'une toute petite partie de la réponse. L'écriture est quelque chose d'autre, une véritable aventure. Le lecteur croit parfois que l'auteur possède son sujet et qu'il lui suffit de le déposer sur la page. Imaginez-vous plutôt en plein désert du Sahara ou en Australie parmi les Aborigènes : les mots qui tracent un chemin ont cette étrangeté. L'esprit aux aguets, vous pensez être lucide, mais vous exagérez le moindre détail. En bref, vous êtes capable de transformer une goutte de rosée en un lac immense. Si l'écriture est une nécessité doublée de plaisir, elle est toujours un immense travail. On s'y perd parfois. Ecrire, laisser reposer le texte, reprendre, éliminer parfois des chapitres entiers, sentir qu'une nouvelle ou qu'une pièce de théâtre peut devenir un roman.

    L'écriture est un monde sans repos, une alchimie d'où l'on ne garde que la quintessence, la fleur de tout ce qu'on a couché sur le papier. On attend désespérément la petite voix qui vous dira : c'est ça, oui, maintenant. Aller au plus juste. La suite est une autre aventure qui appartient au lecteur.

     

  • Ecrits de neige

     

     
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    © photo Naïs

    Entends craquer la neige

    l'hiver joue sa musique

    sur le portée des vignes

    Geneviève

     

    De la souffrance au sourire

    il n'y a qu'un chant

    celui d'un oiseau

    André

  • Coïncidence

    41vrten5PaL._SL500_AA240_.jpg"Nous sommes composés des anecdotes qui sont la trace que nous laissons en ce monde… nous sommes la constellation d’un million d’événements indépendants reliés par ce que l’œil du lecteur appelle, faute d’un terme plus approprié, coïncidence", écrit  Alberto Manguel dans la postface du livre de Luis Schwarcz : Éloge de la coïncidence édité chez Actes Sud.

    Coïncidence. Si nous étions plus attentifs à ces interférences, ces liens fortuits qui s’établissent entre des personnes, des événements, peut-être prendrions-nous davantage conscience de notre appartenance à une même terre, à une même humanité et de ce fait, peut-être serions-nous plus solidaires.

    Le petit livre de Luiz Schwarcz est arrivé entre nos mains par la magie d’un jeu d’échanges de livres de poches entre lecteurs inconnus. Ainsi nos pensées se croisent, s’invitent à aller vers d’autres découvertes, à rester éveillés.

  • Musée des Arts Premiers

    Le Musée des Arts premiers Quai Branly à Paris est vraiment passionnant. Une rencontre avec d'autres civilisations et une découverte de nos propres racines.

    Nous entrons dans un bâtiment conçu par l'architecte Jean Nouvel. Du hall d'accueil, nous suivons une rampe d'accès un peu sombre pour arriver au Plateau des collections. Des murs couleur sable rappellent les enceintes des cités antiques. Le chemin nous mène aux domaines de l'Afrique et de l'Océanie que nous choisissons d'explorer en premier.

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    Dans une vitrine, un masque royal d'éléphant ouvre la voie aux visions d'une humanité pénétrée de traditions, une humanité reliée au  monde animal et au cosmos. Les statuettes d'Afrique noire avec leurs vertus protectrices invitent à un monde où réalisme et imaginaire se mêlent. Les clous plantés dans les figurines, pour stimuler leur effet magique, guident notre pensée vers ces hommes qui ne sont pas si loin de nous. Il s'agit de penser mais aussi et surtout de ressentir. Ces ancêtres tentaient de conjurer le mauvais sort, de s'attirer du bien-être, de se protéger.  Nous pénétrons leurs questionnements, leurs joies et leurs souffrances.  Au cours de notre déambulation dans le musée, nous entrons dans une caverne aménagée dans le décor. L'effet est saisissant. Nous sommes en présence d'une séance filmée de divination en Côte d'Ivoire.

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    Il y a encore plus d'étrangeté à se trouver face aux créations des Aborigènes d'Australie. Les lignes tracées, les points posés minutieusement décrivent un chemin où il est tentant de se perdre. On pressent que les tableaux intitulés « esprit de sirène d'eau douce », « rêve de Tjunginpa », « désert central », « serpent arc-en-ciel »... expriment un univers pour nous mystérieux. Pourtant la matière colorée, les formes dessinées sont sources d'émotion. Un petit film sur un artiste aborigène montre comment il détache l'écorce d'un arbre, brûle l'extérieur pour en faire son support de création. Il peint dans l'esprit d'une cérémonie traditionnelle et dit : « Nous ne peignons pas le corps mais son pouvoir ».

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    Sur le chemin du retour nous passons devant l'exposition consacrée aux îles du Pacifique Sud et nous sommes subjugués par de hautes sculptures / tambours  de plus de deux mètres creusées dans la masse de troncs. Elles proviennent de l'île de Malekula. Ici se mêlent l'humain et le végétal. Nous touchons à l'esprit de la terre. 

  • Les provisions pour l'hiver

     

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    Faire provision de lumière

      garder les rouges et les ors

      pour la traversée de l'hiver