Actualité - Page 12
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Il y a quelques jours nous est venue l'idée de composer des "poégraphes".En voici un : texte de Geneviève, encres d'André.une chouette hululeta peau sous mes doigtsles nuits caressent nos joursau sifflement de la chouette, 4ème jour et 2e jour
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Matière et transparence
Ejoumalé et Abel, deux artistes indiens de Pondichéry, de passage à Triors, petit village de la Drôme, ont exposé leurs œuvres et animé un stage d’aquarelle de trois jours. Leurs tableaux illuminent le regard : luminosité safranée, fluidité des personnages, transparence des lieux.
Très pédagogues, les jeunes artistes guident les amateurs que nous sommes. Attentifs et souriants, ils réparent les maladresses, donnent le contraste qui manque, apportent la touche qui change la lourdeur en légèreté.
Je cherche du bout et du plat de mes pinceaux à entrer dans le mystère des teintes selon la palette de ces deux aquarellistes. La légèreté et la précision sont de mise pour assister à la fusion de l’eau et des couleurs, voir la manière dont elles se diffusent entre elles, se valorisent dans une marine, un paysage de campagne, une ville sous la pluie…
Suivre leur chemin sur le papier, c’est boire la lumière, interroger ombres et reflets, revisiter la pluie ou la neige et pour cela jouer du pinceau et des nuances avec justesse et délicatesse. Une expérience difficile et passionnante qui n’est pas sans magie.
Dans cet exercice, je me repose des mots. L’écriture part en voyage, la lecture ferme les yeux. Je trouve un autre regard sur les choses qui m’entourent.
Geneviève
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Kaléidoscope au féminin
L’étranger, tel est le titre du dernier numéro de la revue « étoiles d’encre » n°45-46 à laquelle je participe.
Dans son édito Behja Traversac annonce : « les textes contenus dans ce numéro nous disent non seulement la polysémie du mot « étranger » mais aussi sa densité.… L’étrangeté est inséparable des frontières et il n’y a d’étranger que parce qu’il y a frontière, y compris en soi… On ne mesure jamais vraiment ce qui nous fait étrangers dans le regard des autres et à notre propre regard. On sait ce plein, cette faille…là, au creux du corps nous séparant et nous unissant aux autres.»
Pour ce numéro, carte blanche est donnée à Sophie Bessis, spécialiste des questions liées aux relations Nord-Sud, actuellement chercheuse associée à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS Paris) . « Naître étranger, le devenir ? demande-t-elle. Elle cite le proverbe : Si longtemps que le tronc d’arbre séjournera dans la rivière, il ne deviendra jamais caïman. »
Elle invite quinze auteures ou artistes à s’exprimer sur ce thème. Catherine Simon parle des migrants d’Erythrée dans le Pas-de-Calais, Leïla Sebbar se dit étrangère dans la maison de son père parce qu’il ne lui a pas transmis sa langue.
Dans la rubrique « Forum », je retiens le texte de Cécile Oumhani qui parle du sentiment d’étrangeté éprouvé depuis l’enfance. « Trois langues résonnent à mes oreilles, en toile de fond, alors que le français est bel et bien ma langue d’écriture. Chez moi, je saute agréablement de l’une à l’autre, saisissant l’expression dont la saveur s’impose à moi dans telle ou telle situation… Des phrases ricochent dans ma tête, entre le français, l’anglais et l’arabe… Par delà l’ivresse de ces horizons élargis où puiser les mots à des sources multiples, mon étrangeté si ancienne … me pousse à me recroqueviller pour parer les chocs. Les gens n’aiment pas ce qui est polymorphe, inclassable, atypique. »
Dans la rubrique Variations sur…, je m’arrête au texte de Valéry Meynadier « Entre ». Elle y exprime sa lutte contre sa propre étrangeté héritée du mensonge et du meurtre. Marie Malespina dans « La femme au bord du puits » rend hommage à l’étranger qui l’a aimée et réconciliée avec elle-même. « Il importait que ce temps d’union consentie et heureuse un jour ait eu lieu, ce temps où la différence était un attrait puissant où l’autre nationalité libérait des identités endeuillées »
Maïssa Bey, dans sa nouvelle « L’autre » éveille chez la narratrice ce double qui se révolte contre la soumise. « Ainsi il t’a fallu tout ce temps, toutes ces colères, tous ces détours pour te connaître ! pour accepter l’autre en toi ! Et surtout pour faire accepter aux autres ce que tu es ! »
Quant à moi, j’interroge : « Écrire, n’est-ce pas être amené à passer des frontières ? Des rêves dans les plis d’une mémoire étrangère frappent à ma tête. » Expérience d’écriture où j’évoque la vie des femmes voilées au cœur du Mzab dans mon roman « L’appel du sud », où je transcris les témoignages de gens qui vivent en France avec l’Algérie au cœur dans « Un livre à la mer » Écrire, c’est aller à la découverte,… repousser les limites de l’étrangeté. »
Ce ne sont que quelques éclats d’une quarantaine de textes en prose et en poésie qui dévisagent l’étrangeté, « l’étrangèreté ». Un kaléidoscope au féminin.
Revue "étoiles d'encre" à lire, à découvrir. www.chevre-feuille.fr
Geneviève
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une guerre qui ne dit pas son nom
En réponse au commentaire de notre lecteur Johan sur la note "demain ?": « ahh, this one is really cute », voici un extrait un peu plus long du "sourire de l’absente" :
" il y a dehors une guerre qui ne dit pas son nom
les balles frappent comme des grêlons mon père m’a appris à courir pour sauver ma peau Dieu ce que j’ai pu cavaler sauf la fois où des mômes m’ont coincé rue de l’industrie à deux pas du village nègre une autre casbah foutue tannée que j’ai prise là rapport à ma couleur de peau une peau presque blanche des yeux tirant sur le vert l’été on appelle ça les yeux du désert deux de mes frères sont bien plus foncés que moi alors quoi ?
je possède toutes les couleurs avec laquelle me verra-t-on demain ?
couché sur le carrelage froid de la cuisine je tiens ta main pendant que les femmes dansent dans la maison jusqu’au moment où n’y tenant plus je t’abandonne sous la table rampe jusqu’à la fenêtre l’œil collé aux volets de bois je peux suivre la gigue des hommes arme au poing la vie au ventre
nous aurions pu vivre et mourir au temps de notre naissance au temps où les chants couraient de terrasse en terrasse tandis que la poussette nous trimballait face à face comme ces pierres que l’on garde au fond de sa poche et qui à chaque pas s’entrechoquent "
André
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demain ?
"encres et calames" © A.Cohen Aknin. Travail en cours
je possède toutes les couleurs
avec laquelle me verra-t-on demain ?
extrait de "le sourire de l'absente"
André Cohen Aknin
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Impressions australiennes
17 février-19 mars 2011 région de Sydney
Le jour se lève à peine
la peau respire la douceur
le wallaby est dans le jardin
En bordure du Parc Ku-ring-gaï
les maisons gardent les arbres
les arbres regardent les maisons.
Graffitis d’insectes
sur peau d’eucalyptus
blanche dorée ou bistre
La forêt n’a pas d’âge
arbres calcinés et feuilles tendres
serpent dans un trou d’eau
Parfums d’eucalyptus
et de bois chauffé
les corps perlés de résine
Un varan s’inscrit
comme un bijou sur un tronc
est-il le gardien du site aborigène ?
Figures animales et humaines
tracées sur la roche sacrée
j’écoute l’espace-temps
De quelle écorce devons-nous
nous dévêtir
pour que le rêve nous habite ?
A Sydney la City crépite
dans son habit de verre
où se reflètent façades brunes
Elle tintinnabule aux feux verts
les gens se pressent
pour attraper le dernier ferry-boat
Appel de la mer
de l’Opéra House
coques de résonance
Dans les Blue Mountains
plonger au royaume des cascades
et des arbres fougères
Les Trois Sœurs baignent
dans la vapeur des eucalyptus
océan bleuté d’une légende
Ville montagne bush
se frottent l’un à l’autre
émerge l’esprit australien
Geneviève
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Andrée Chedid
Andrée Chedid est morte à Paris le 6 février 2011 à 90 ans.
Nous sommes heureux d’avoir rencontré cette dame attentive aux autres, d’avoir donné maintes fois sa poésie en public.« Si les jours égrènent ce qui sépare, il te reste ce qui est. » écrit-elle dans « Textes pour un poème » Ce qui est, ce sont ses écrits, romans, nouvelles, poésie, qui révèlent son talent et sa générosité, qui jettent des passerelles entre rêve et quotidien.
Son écriture, en particulier ses poèmes intitulés « Jeunesse » allaient dans le sens de l’élan qui redonne aujourd’hui la liberté à l’Égypte, pays où elle est née.
« Jeunesse
Tu chantes !
Pour un temps s’apaise
L’univers en tornade
que tu portes dans tes flancs
Tu danses !
Ton corps brûle ses frontières
T’emporte hors de ton corps
Tu cries !
Ta fureur attise l’âme
des univers éteints
Tous les appels du monde
te traversent jeunesse !
Tu enfantes le feu. »
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Rouge
©Geneviève Briot
"Éclat du jour
chant de la terre
semé aux quatre vents"
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A petites touches
Nous avons descendu les jours vers le sombre de la terre et voilà que jour après jour des minutes de lumière nous sont redonnées. Chaque vie va vers sa disparition et donne goutte à goutte, parole après parole, regard après regard, une connaissance, une expérience. Chaque vie prolonge un chemin venu d’autres vies, d’autres époques les plus lointaines. Et pour chacun de nous il y a des temps de l’ombre et les temps de lumière.
Quand la mémoire du Carnaval de leur enfance resurgit, écrit Cyril Lehembre, journaliste dans le n° de Drôme hebdo du 9 décembre 2010 à propos du travail de mémoire réalisé par André auprès de personnes âgées de l’EHPAD des hôpitaux Drôme Nord et St Vallier (Établissement d’hébergement pour personne âgées dépendantes) en coordination avec les responsables. Voici quelques extraits de son article :
« Il est allé au plus profond de l’humain. Il leur a parlé, il les a surtout écoutés et s’est souvent émerveillé de ce qu’il a entendu, vu ou vécu.… Bon nombre, dans leur jeunesse, bien que vivant à Romans, cité du Carnaval, était peu préoccupé de loisirs. Le travail avant tout…J’ai rencontré beaucoup de gens bien, se réjouit André Cohen Aknin. Des dizaines de résidents ont été touchés. Personnellement, je crois à l’écriture orale, mais parfois les propos dépassent la plume, j’ai écrit ce qu’ils disaient, un peu avec mes mots, comme une musique, un peu la musique des mots.
L’écrivain romanais s’est totalement immergé dans l’EHPAD de Romans. De l’expérience est née une plaquette : Le carnaval de votre enfance ? Il a décidé de leur faire confiance et par petites touches, de les questionner sur certains souvenirs.
Peu à peu les souvenirs se sont égrenés.
On a organisé une exposition et une lecture, des gens de l’extérieur sont venus. L’idée, c’est de décloisonner les hôpitaux.
Grâce à cette initiative, une partie du chemin a pu être accomplie. »