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Ecriture - Page 20

  • Les voleurs de temps

    Nous volons le temps aux rencontres amicales, aux sorties théâtre, cinéma, aux conférences antinucléaires, nutritionnistes, écologiques, philosophiques, anecdotiques, aux aménagements  de maison, au jardinage, au footing, à la marche, aux exercices physiques. Nous le gardons jalousement pour nous tenir de longues heures devant des écrans où nous déversons des mots qui gambadent, crachent, fulminent dans nos têtes. Nous les capturons tandis qu’ils nous résistent, nous charment, nous enchaînent. Sur la page, les mots défilent, jouent à saute-mouton et ne nous laissent jamais en repos. La nuit, ils nous hantent, nous réveillent, nous obligent à prendre des notes. Parfois ils se dérobent et nous plongent dans les affres du vide, sans que nous puissions pour autant nous échapper vers des activités plus sociables.
    Écrire, c'est parfois créer sa propre prison. Les personnages imaginaires nés d’un réel lancinant en sont les gardiens. Ils nous libèrent enfin avec le point final que nous cherchons à atteindre comme un sommet inaccessible.
    Nous revenons alors vers la cité, légers, un peu dépaysés. On se dit que l’on va être libre comme l’air, si libre qu’il sera simple d'agir, d’aller vers d’autres visages: «bonjour, comment va le monde ?»
    Bref l’idée serait de ne plus écrire alors que des fourmillements nous signalent que d’autres personnages enfouis dans des carnets ou au fond d’une poche sont en train de se réveiller et se préparent à nous envahir, à lier nos mains et nos esprits. Ils parlent de nécessité, ils nous promettent des heures d’enchantement, il y en a, c’est vrai.

  • Des écrivains et la guerre d'Algérie

    Tel était le thème du colloque  donné à La Bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon le 27 septembre 2008. Table  ronde  animée  par Guy Degas, professeur à l’Université Montpellier III avec Arno Bertina, Maïssa Bey, Virginie Buisson, Bertrand Leclair.
    Je ne prétends pas rendre compte en quelques lignes de tout ce qui s’est dit pendant ces deux heures et demie, mais je voudrais juste dire mon intérêt pour ce débat qui a porté certes sur l’histoire de l’Algérie, mais aussi sur le processus de création des auteurs présents. Ils ont fait preuve d’une grande authenticité. Comment agit la mémoire qui peut, pendant des années, laisser un voile sur les souvenirs douloureux, comment le temps finit par déchirer ce voile. Arno Bertina qui a écrit «Le dehors ou la migration des truites» chez Actes Sud met l’accent sur le silence autour duquel on tourne, la nécessité pour lui de multiplier les regards dans l’approche du spectre de la guerre. Maïssa Bey, écrivaine algérienne, dont les derniers livres ont pour titre :  «Bleu blanc vert» et «Pierre sang papier ou cendre» aux éditions de l’Aube, dit : on ne choisit pas son entrée. La nécessité de se réapproprier son père mort sous la torture et qui, de ce fait, a un statut de héros national l’a amenée petit à petit à écrire «Entendez-vous dans les montagnes» : une situation théâtrale réunit dans un train la fille d’un héros de la guerre d’indépendance, le militaire français qui a à voir avec  la mort du maquisard et la petite-fille d’un pied-noir qui ne parle jamais de son passé en Algérie. Il est question de la mythification qui ne rend pas compte de la réalité du passé. Maïssa Bey nous dit qu’aujourd’hui, de jeunes historiens en Algérie travaillent  hors de toute manipulation, mais il apparaît que les écrivains ont devancé cette démarche. C’est toute l’importance de la littérature qui donne à voir au lecteur de l’intérieur, qui rend compte  de la complexité. Arno Bertina parle du roman comme d’un outil, il parle d’assouplir la syntaxe, de bousculer la langue pour rendre compte des enchevêtrements.  Pouvoir de la langue, du style.
    C’est ainsi que Virginie Buisson, auteur de «L’Algérie ou la mort des autres»(Folio), parvient à livrer son témoignage sur la violence de la famille et de la guerre dans une écriture laconique, avec des phrases «taillées jusqu’à l’os», dit-elle, où les silences font autant de bruit que les mots. Quelle est l’obligation du romancier ? demande un spectateur. Bernard Leclair («Une guerre sans fin» éd. Libella-Maren Sell) dit que sa phrase doit être juste. Sans doute  le roman est-il plus qu’un outil puisque Bernard Leclair parle de «ce qui nous tient la main quand on écrit». C’est tout le mystère de la création, la littérature intimement mêlée à la vie.
    G.Briot

  • La douleur devenue oiseau

    par Dominique le Boucher
    à propos de Najib l'enfant de la nuit, Geneviève Briot, roman, Paris L'Harmattan 2007

    "Dix enfants de Kabylie, six garçons et quatre filles, avec leurs animateurs Farid et Karima, ont embarqué sur le Zeralda à Alger pour passer leurs vacances en France au Centre des Tilleuls, à quelques kilomètres de Marseille dans la campagne, après que leurs familles ont eu à subir les violences des années 90 en Algérie.
    Najib le jeune héros du récit est celui "qui parle le mieux le français et les autres ont souvent besoin de lui;

    Un soir, Najib raconte l'histoire de son village de Kabylie et de sa famille à ses copains Simon et Pilou, "…l'histoire la plus triste de toutes les histoires tristes…" et chacun sent qu'à ce moment-là l'enfance ne tient qu'à un fil. C'est Pilou qui commente le lendemain lorsque Najib fait une fugue durant une course à pied organisée entre les enfants : "…il vient de la nuit, c'est tout…"
    Les enfants algériens sont pris dans la violence d'une histoire plus vaste qu'eux, la violence et la folie des adultes qui percute de manière insensée leur joie et leur plaisir du jeu et ils ont si peu de moyens pour exprimer ce double état dans lequel ils sont obligés de vivre désormais. "Par sa fuite, son accident peut-être, Najib dit ce qu'ils ce qu'ils ne savent pas dire, cette chose dans laquelle ils se débattent, chacun à sa manière…"

    La fugue qui aurait pu faire s'achever en drame cette belle histoire initiatique de la découverte par de jeunes garçons et filles de la mort et de l'amour, va révéler au contraire combien pour ces enfants qui sont nés et ont grandi dans les montagnes de Kabylie l'énergie vitale et poétique qui se dégage de la terre chauffée par le soleil comme un parfum peut seule par une sorte de rituel magique faire s'échapper la douleur du corps et lui rendre sa légèreté."
    Extrait de l'article paru dans Algérie Littérature Action n°117-118, page 55

  • Mahmoud Darwich, une bougie s'est allumée

    Le poète nous a quittés et nous nous sentons orphelins même si sa parole poétique demeure vivante. Il a chanté l'identité de son peuple et a appelé les Israéliens à se retirer des Territoires occupés.
    Journaliste souvent en exil, au Liban, en France, aux Etats-Unis, Mahmoud Darwich est décédé à l'âge de 66 ans le 9 août 2008 dans un hôpital de Houston, où il avait subi une intervention cardiaque.
    Où qu'il soit, il est resté un homme intègre, fidèle à l'idée qu'un peuple ne peut pas vivre au détriment d'un autre. Il fut l'un des intellectuels arabes signataires contre le projet de rencontre négationniste à Beyrouth en 2001.
    Sa poésie ne pouvait pas être seulement un chant de militant palestinien, elle se voulait universelle :
    "… de mes mains jaillit l'eau du fleuve
    tous les cœurs d'homme sont ma nationalité
    voilà / je vous laisse mon passeport"
    extrait de "Rien qu'une autre année" Éditions de Minuit
    Dans son recueil : "Comme des fleurs d'amandier ou plus loin" Actes Sud 2007, il exprime une solidarité au-delà des frontières:
    "Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
    pense aux autres,
    (n'oublie pas le grain aux colombes.)
    ……
    Quand tu règles la facture d'eau pense aux autres.
    (Qui tètent les nuages)

    Quand tu rentres à la maison, ta maison,
    pense aux autres.
    (n'oublie pas le peuple des tentes.)

    Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
    pense aux autres
    (Certains n'ont pas le loisir de rêver)

    ……
    Quand tu penses aux autres lointains
    pense à toi
    Dis-toi : que ne suis-je une bougie dans le noir  ?)


    Mahmoud Darwich cherchait dans un poème sa musicalité. Bien sûr, nous ne l'entendons qu'en français et pas en arabe et pourtant la musique d'un beau poème à sa mère nous accompagne. Nous l'avons souvent dit en public sur une musique de Marcel Khalifé jouée au luth par Issal Jammal.
    Il se termine ainsi :
    "j'ai vieilli
    rends-moi les étoiles de mon enfance
    pour qu'avec les oiseaux
    j'emprunte le chemin du retour"


    Geneviève et André

     

  • Terre de l'été

    Il y a une soixantaine d'années, le poète Alain Borne écrivait les poèmes qui composent "Terre de l'été". Je l'imagine aux heures chaudes à l'ombre des persiennes dans sa maison de Montélimar évoquer la brûlure de l'été et de l'émoi amoureux.
    En voici quelques extraits :

    "Août
    le vent de flammes
    sur l'enclume blanche,
    et tout le ciel n'est que marteaux.
    ……………
    Le soleil imite l'amour
    et pèse sa lente brûlure
    aux balances d'un corps renversé
    ……………
    Pour quatre lèvres
    une soif unique
    chemine chemine
    cheval de soleil
    ……………
    Sous sa robe blanche
    ma compagne est nue
    jambe de soleil,
    corsage de lait
    sang visité d'eau
    il reste une source
    où le ciel est tiède
    et où l'aube reste
    sous le grand midi,
    il reste un peu d'ombre,
    un dernier cyprès
    sur le feu de la route,
    un pétale de neige
    sur tout ce fer rouge,
    ma compagne est nue
    sous sa robe blanche
    chemine, chemine,
    cheval de myrte.

    Pour quatre lèvres
    une soif unique
    chemine chemine
    cheval d'éveil"

  • Étranges étrangers

    Cinq hommes sous une toile plastique s'abritent sous la pluie. Ils attendent le camion qui doit les emmener sur le chantier. ils viennent de différents pays, Paco, Luca, Larbi, Diatta, Janusz. Ils sont dans la même galère, à la merci d'un patron, d'un travail momentané. Ils ont en commune d'être déracinés, de travailler et de vivre dans un même lieu, mais chacun tient en lui le secret de sa vie, de ses aspirations. Peu à peu, on découvre la nostalgie de celui qui pense à son fils, le désarroi de celui qui boit, de celui qui a fait de la prison, le désir de celui qui veut partir ailleurs, de celui qui veut raconter des histoires. Chacun se livre à petites touches, avec pudeur. Un partage qui n'exclut pas la violence, la trahison. Vivre ensemble n'est pas si simple.
    Telle est l'histoire de "Cinq hommes" de Daniel Keene, auteur australien, présentée par la Compagnie du Passage (Suisse) à la salle jean Vilar à Romans-sur-Isère, les 14 et 15 mars, à l'initiative de la Cie L'Œil nu. Une grande justesse dans le jeu des comédiens, une mise en scène astucieuse et esthétique de Robert Bouvier. Un beau spectacle qui fait comprendre de l'intérieur, la détresse d'exilés que, le plus souvent, nous ne connaissons que de loin.
    Même sans terre, les migrants ont une identité, une humanité à nous proposer.
    Nous retrouverons ce thème de « migrants » lors de la prochaine Biennale de l’international de Romans sur Isère, « BISE 2008 » qui aura lieu dans la semaine du 6 au 11 mai 2008. Cette BISE a pour thème : « Identité et universalité » avec une approche particulière de l’hospitalité. Pour le programme voir Blog : http://bisederomans.blogspot.com/

  • Le Chant d'Abelle

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    LE CHANT D’ABELLE
    Une pièce de théâtre
    d’André Cohen Aknin

    Théâtre du Local
    Mise en scène d’Edouard Martini
    Masques et atmosphère de Lydia Héritier
    Avec Natacha Hébert, Marie Rouge, Michel Jovanovic

    Le vendredi 29 février 2008
    à La salle des fêtes de Loriol - 26270 à 21 heures

    Rencontre avec l’auteur et le metteur en scène
    Réservation : 04 75 57 24 06

        Abelle est une femme en quête de liberté. Elle fuit après avoir tué son frère jumeau. Son errance est jalonnée de rencontres qui la rebutent, la déconcertent. Seul, René prince charmant made in poubelle sait l'écouter. Un chant venu du Grand Nord habite l'imaginaire de la jeune femme. Un musicien l'accompagne sans qu'on sache s'il existe vraiment. Abelle pourra-t-elle se laver de ses maux et renaître ?

        La création de cette pièce a eu lieu en 2006 par le Théâtre du Local. Elle est reprise aujourd’hui.

        J’ai écrit ce texte entre 1999 et 2005. A l’origine, je ne savais pas quelle forme prendrait l’écriture : pièce de théâtre, roman ? Au fil du temps, la question ne s’est plus posée. Il s’agissait d’embarquer le spectateur-lecteur dans une histoire et qu’importait la forme. Au demeurant, peut-on écrire en faisant abstraction de cette manie d’enfermer l’écriture dans des tiroirs : roman, théâtre, poésie, nouvelle… ? Mon souhait est de passer les frontières, et même, de vivre sur ces frontières.

        J’ai proposé ce texte à Edouard Martini après avoir vu « La Valse du hasard » de Victor Haïm qu’il a mis en scène en 2004. La rigueur du jeu, la scénographie de Lydia Héritier donnait à la pièce une dimension fantastique et précise à la fois. Dans un premier temps, j’ai livré à Edouard « Le Chant d’Abelle » sans didascalies. Une manière d’ouvrir plus encore le champ d’expression. Notre cheminement de création a fait qu’aujourd’hui deux femmes et un homme sont sur scène.

        Dans la pièce, je m’aventure vers une écriture polyphonique où le rythme prend le pas sur la ponctuation ; les tonalités se multiplient ; les mots, syllabes, voyelles, silences se répètent. On entend parfois ce son lointain, ce babillage enfantin qui est resté au fond de notre gorge. Tendre l’oreille, revenir à la source. Ainsi, la bouche rend au mot sa diversité, renforce, multiplie son sens.

        J’ai voulu me confronter à un thème fondateur de notre culture : la culpabilité. « Le Chant d’Abelle » s’inspire de l’histoire biblique de Caïn et d’Abel, tout en la bouleversant. Les rôles sont inversés. Abel est ici de surcroît une femme ! Une manière de secouer les vieux mythes ! Quelle lecture de la culpabilité faisons-nous aujourd’hui ? Parmi les autres thèmes abordés : le double ; la tragédie de la fraternité, l’enfermement.
       
        Cette pièce de théâtre participe d’une quête personnelle : aller à la rencontre des hommes, de cet autre qui nous est lointain et si proche à la fois, de ce double réel (jumeau) ou imaginé. « Le Chant d’Abelle » aborde l’autre en soi dans un voyage où la voix se conjugue à l’écriture dans une sorte de métissage sans cesse à réinventer.

            André Cohen Aknin

  • Au cœur de l'écriture

    "Des rêves dans les plis d'une mémoire étrangère frappent à ma tête"
    Deux mois après avoir publié dans le blog "Entre peur et désir" sur l'envie et la difficulté de l'écriture, où en suis-je ?
    Me voici au cœur du roman où les destins de trois femmes s'entremêlent. Je ne sais plus si j'habite cette histoire ou si cette histoire m'habite. Je ne sais plus s'il s'agit de moi, démultipliée, ou de femmes étrangères. Des hommes, proches et  lointains à la fois, traversent l'histoire. Une voix venue de rien ou de presque rien s'immisce dans le récit.
    En perpétuel voyage, je rencontre parfois André qui vit dans un autre monde, celui d'Abelle, son héroïne. Sa pièce de théâtre, Le chant d'Abelle, est en voie de devenir roman. Nous sortons de nos pages, étourdis, allumons la cheminée, cuisinons, marchons dans la campagne. Nos pensées sont encore en errance. Notre vie quotidienne est ponctuée de : je te l'ai dit, tu ne m'écoutes pas, et donne lieu à des éclats de voix ou de rires.
    Il y a aussi parfois trop de monde dans la maison avec Abelle et son jumeau, Roberte, Jeanne,  Angela et tous les autres. Il faut souvent ouvrir grand les fenêtres.

  • Entre peur et désir

    L'automne est là. Les enfants, les étudiants ont retrouvé les cours. L'ambiance est studieuse. Même quand on vit en dehors du rythme général, il exerce son influence. D'ailleurs  la tâche qui m'attend me hante : rêves, pensées de ces dernières semaines me ramènent à un roman qui dort depuis plusieurs mois. Il est une pâte qui lève, qui est à point maintenant pour être travaillée. Il m'appelle, mais je prends mon temps, je recopie des notes éparses sur des carnets, je lis un ouvrage sur les mythes au féminin, persuadée que la mythologie vit toujours en filigrane dans les événements de nos vies.
    Comment ouvrir la porte du placard où le tapuscrit repose dans une première version et l'apporter sur mon bureau?
    Ça m'a pris une semaine pour ouvrir cette porte, pour accepter qu'un souffle m'emporte au-delà de moi-même. Désir de cet inconnu-là. Peur des pages déjà écrites que je vais devoir modifier, froisser, jeter.
    Il reste à parcourir le désert de l'écriture. Son aventure.
    Entre peur et désir, entre peur et nécessité.

    Geneviève