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Ecriture - Page 20

  • Mahmoud Darwich, une bougie s'est allumée

    Le poète nous a quittés et nous nous sentons orphelins même si sa parole poétique demeure vivante. Il a chanté l'identité de son peuple et a appelé les Israéliens à se retirer des Territoires occupés.
    Journaliste souvent en exil, au Liban, en France, aux Etats-Unis, Mahmoud Darwich est décédé à l'âge de 66 ans le 9 août 2008 dans un hôpital de Houston, où il avait subi une intervention cardiaque.
    Où qu'il soit, il est resté un homme intègre, fidèle à l'idée qu'un peuple ne peut pas vivre au détriment d'un autre. Il fut l'un des intellectuels arabes signataires contre le projet de rencontre négationniste à Beyrouth en 2001.
    Sa poésie ne pouvait pas être seulement un chant de militant palestinien, elle se voulait universelle :
    "… de mes mains jaillit l'eau du fleuve
    tous les cœurs d'homme sont ma nationalité
    voilà / je vous laisse mon passeport"
    extrait de "Rien qu'une autre année" Éditions de Minuit
    Dans son recueil : "Comme des fleurs d'amandier ou plus loin" Actes Sud 2007, il exprime une solidarité au-delà des frontières:
    "Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
    pense aux autres,
    (n'oublie pas le grain aux colombes.)
    ……
    Quand tu règles la facture d'eau pense aux autres.
    (Qui tètent les nuages)

    Quand tu rentres à la maison, ta maison,
    pense aux autres.
    (n'oublie pas le peuple des tentes.)

    Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
    pense aux autres
    (Certains n'ont pas le loisir de rêver)

    ……
    Quand tu penses aux autres lointains
    pense à toi
    Dis-toi : que ne suis-je une bougie dans le noir  ?)


    Mahmoud Darwich cherchait dans un poème sa musicalité. Bien sûr, nous ne l'entendons qu'en français et pas en arabe et pourtant la musique d'un beau poème à sa mère nous accompagne. Nous l'avons souvent dit en public sur une musique de Marcel Khalifé jouée au luth par Issal Jammal.
    Il se termine ainsi :
    "j'ai vieilli
    rends-moi les étoiles de mon enfance
    pour qu'avec les oiseaux
    j'emprunte le chemin du retour"


    Geneviève et André

     

  • Terre de l'été

    Il y a une soixantaine d'années, le poète Alain Borne écrivait les poèmes qui composent "Terre de l'été". Je l'imagine aux heures chaudes à l'ombre des persiennes dans sa maison de Montélimar évoquer la brûlure de l'été et de l'émoi amoureux.
    En voici quelques extraits :

    "Août
    le vent de flammes
    sur l'enclume blanche,
    et tout le ciel n'est que marteaux.
    ……………
    Le soleil imite l'amour
    et pèse sa lente brûlure
    aux balances d'un corps renversé
    ……………
    Pour quatre lèvres
    une soif unique
    chemine chemine
    cheval de soleil
    ……………
    Sous sa robe blanche
    ma compagne est nue
    jambe de soleil,
    corsage de lait
    sang visité d'eau
    il reste une source
    où le ciel est tiède
    et où l'aube reste
    sous le grand midi,
    il reste un peu d'ombre,
    un dernier cyprès
    sur le feu de la route,
    un pétale de neige
    sur tout ce fer rouge,
    ma compagne est nue
    sous sa robe blanche
    chemine, chemine,
    cheval de myrte.

    Pour quatre lèvres
    une soif unique
    chemine chemine
    cheval d'éveil"

  • Étranges étrangers

    Cinq hommes sous une toile plastique s'abritent sous la pluie. Ils attendent le camion qui doit les emmener sur le chantier. ils viennent de différents pays, Paco, Luca, Larbi, Diatta, Janusz. Ils sont dans la même galère, à la merci d'un patron, d'un travail momentané. Ils ont en commune d'être déracinés, de travailler et de vivre dans un même lieu, mais chacun tient en lui le secret de sa vie, de ses aspirations. Peu à peu, on découvre la nostalgie de celui qui pense à son fils, le désarroi de celui qui boit, de celui qui a fait de la prison, le désir de celui qui veut partir ailleurs, de celui qui veut raconter des histoires. Chacun se livre à petites touches, avec pudeur. Un partage qui n'exclut pas la violence, la trahison. Vivre ensemble n'est pas si simple.
    Telle est l'histoire de "Cinq hommes" de Daniel Keene, auteur australien, présentée par la Compagnie du Passage (Suisse) à la salle jean Vilar à Romans-sur-Isère, les 14 et 15 mars, à l'initiative de la Cie L'Œil nu. Une grande justesse dans le jeu des comédiens, une mise en scène astucieuse et esthétique de Robert Bouvier. Un beau spectacle qui fait comprendre de l'intérieur, la détresse d'exilés que, le plus souvent, nous ne connaissons que de loin.
    Même sans terre, les migrants ont une identité, une humanité à nous proposer.
    Nous retrouverons ce thème de « migrants » lors de la prochaine Biennale de l’international de Romans sur Isère, « BISE 2008 » qui aura lieu dans la semaine du 6 au 11 mai 2008. Cette BISE a pour thème : « Identité et universalité » avec une approche particulière de l’hospitalité. Pour le programme voir Blog : http://bisederomans.blogspot.com/

  • Le Chant d'Abelle

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    LE CHANT D’ABELLE
    Une pièce de théâtre
    d’André Cohen Aknin

    Théâtre du Local
    Mise en scène d’Edouard Martini
    Masques et atmosphère de Lydia Héritier
    Avec Natacha Hébert, Marie Rouge, Michel Jovanovic

    Le vendredi 29 février 2008
    à La salle des fêtes de Loriol - 26270 à 21 heures

    Rencontre avec l’auteur et le metteur en scène
    Réservation : 04 75 57 24 06

        Abelle est une femme en quête de liberté. Elle fuit après avoir tué son frère jumeau. Son errance est jalonnée de rencontres qui la rebutent, la déconcertent. Seul, René prince charmant made in poubelle sait l'écouter. Un chant venu du Grand Nord habite l'imaginaire de la jeune femme. Un musicien l'accompagne sans qu'on sache s'il existe vraiment. Abelle pourra-t-elle se laver de ses maux et renaître ?

        La création de cette pièce a eu lieu en 2006 par le Théâtre du Local. Elle est reprise aujourd’hui.

        J’ai écrit ce texte entre 1999 et 2005. A l’origine, je ne savais pas quelle forme prendrait l’écriture : pièce de théâtre, roman ? Au fil du temps, la question ne s’est plus posée. Il s’agissait d’embarquer le spectateur-lecteur dans une histoire et qu’importait la forme. Au demeurant, peut-on écrire en faisant abstraction de cette manie d’enfermer l’écriture dans des tiroirs : roman, théâtre, poésie, nouvelle… ? Mon souhait est de passer les frontières, et même, de vivre sur ces frontières.

        J’ai proposé ce texte à Edouard Martini après avoir vu « La Valse du hasard » de Victor Haïm qu’il a mis en scène en 2004. La rigueur du jeu, la scénographie de Lydia Héritier donnait à la pièce une dimension fantastique et précise à la fois. Dans un premier temps, j’ai livré à Edouard « Le Chant d’Abelle » sans didascalies. Une manière d’ouvrir plus encore le champ d’expression. Notre cheminement de création a fait qu’aujourd’hui deux femmes et un homme sont sur scène.

        Dans la pièce, je m’aventure vers une écriture polyphonique où le rythme prend le pas sur la ponctuation ; les tonalités se multiplient ; les mots, syllabes, voyelles, silences se répètent. On entend parfois ce son lointain, ce babillage enfantin qui est resté au fond de notre gorge. Tendre l’oreille, revenir à la source. Ainsi, la bouche rend au mot sa diversité, renforce, multiplie son sens.

        J’ai voulu me confronter à un thème fondateur de notre culture : la culpabilité. « Le Chant d’Abelle » s’inspire de l’histoire biblique de Caïn et d’Abel, tout en la bouleversant. Les rôles sont inversés. Abel est ici de surcroît une femme ! Une manière de secouer les vieux mythes ! Quelle lecture de la culpabilité faisons-nous aujourd’hui ? Parmi les autres thèmes abordés : le double ; la tragédie de la fraternité, l’enfermement.
       
        Cette pièce de théâtre participe d’une quête personnelle : aller à la rencontre des hommes, de cet autre qui nous est lointain et si proche à la fois, de ce double réel (jumeau) ou imaginé. « Le Chant d’Abelle » aborde l’autre en soi dans un voyage où la voix se conjugue à l’écriture dans une sorte de métissage sans cesse à réinventer.

            André Cohen Aknin

  • Au cœur de l'écriture

    "Des rêves dans les plis d'une mémoire étrangère frappent à ma tête"
    Deux mois après avoir publié dans le blog "Entre peur et désir" sur l'envie et la difficulté de l'écriture, où en suis-je ?
    Me voici au cœur du roman où les destins de trois femmes s'entremêlent. Je ne sais plus si j'habite cette histoire ou si cette histoire m'habite. Je ne sais plus s'il s'agit de moi, démultipliée, ou de femmes étrangères. Des hommes, proches et  lointains à la fois, traversent l'histoire. Une voix venue de rien ou de presque rien s'immisce dans le récit.
    En perpétuel voyage, je rencontre parfois André qui vit dans un autre monde, celui d'Abelle, son héroïne. Sa pièce de théâtre, Le chant d'Abelle, est en voie de devenir roman. Nous sortons de nos pages, étourdis, allumons la cheminée, cuisinons, marchons dans la campagne. Nos pensées sont encore en errance. Notre vie quotidienne est ponctuée de : je te l'ai dit, tu ne m'écoutes pas, et donne lieu à des éclats de voix ou de rires.
    Il y a aussi parfois trop de monde dans la maison avec Abelle et son jumeau, Roberte, Jeanne,  Angela et tous les autres. Il faut souvent ouvrir grand les fenêtres.

  • Entre peur et désir

    L'automne est là. Les enfants, les étudiants ont retrouvé les cours. L'ambiance est studieuse. Même quand on vit en dehors du rythme général, il exerce son influence. D'ailleurs  la tâche qui m'attend me hante : rêves, pensées de ces dernières semaines me ramènent à un roman qui dort depuis plusieurs mois. Il est une pâte qui lève, qui est à point maintenant pour être travaillée. Il m'appelle, mais je prends mon temps, je recopie des notes éparses sur des carnets, je lis un ouvrage sur les mythes au féminin, persuadée que la mythologie vit toujours en filigrane dans les événements de nos vies.
    Comment ouvrir la porte du placard où le tapuscrit repose dans une première version et l'apporter sur mon bureau?
    Ça m'a pris une semaine pour ouvrir cette porte, pour accepter qu'un souffle m'emporte au-delà de moi-même. Désir de cet inconnu-là. Peur des pages déjà écrites que je vais devoir modifier, froisser, jeter.
    Il reste à parcourir le désert de l'écriture. Son aventure.
    Entre peur et désir, entre peur et nécessité.

    Geneviève