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a littérature action

  • Avis lecteurs, presse - extraits - "Un lit dans l'océan"

    • Dégusté comme une datte sucrée, un thé à la menthe pas loin en haut du Suquet, ce texte sensible (mais pas mièvre !) cristallise nos 5 sens : les goûts, les couleurs, les odeurs, les musiques, les cultures juives et musulmanes si proches. La délicatesse et la pudeur avec lesquelles l'auteur aborde des thèmes pourtant difficiles (les césures familiales, la maladie, la guerre...) font de cette lecture un incroyable voyage. (Nath2dragui - Site Babelio)
     
    • On a l'impression d'avoir les confidences d'un ami ou d'un frère… On se sent très proche du narrateur parce qu'il se livre avec naturel et sincérité, et on est nombreux à avoir mal à nos parents. (Yamina, lectrice)
     
    • La mémoire individuelle et collective est sans doute le thème central de ce récit écrit avec sensibilité et délicatesse. Il est question de la guerre d’Algérie, d’exode forcé, de nostalgie…
    On retrouve dans ce roman des thèmes chers à André Cohen Aknin, écrivain et poète : l’attachement à l’Algérie, aux racines, aux traditions, la douleur d’avoir perdu sa sœur et le pays de son enfance. C’est le bilan d’une vie passée à comprendre son sens. C’est aussi le regard lumineux d’un poète qui apprécie le mélange des cultures et qui dresse un pont entre celles de l’Orient et de l’Occident…
    Récit à la fois intime, poétique et humaniste qui peut se lire à plusieurs niveaux. 
    Une mention spéciale pour le soin apporté par l’éditeur à la composition de cet ouvrage qui est aussi un bel objet. (Guy Masson, pour le blog des critiques par les bibliothécaires)
     
    • Cette introspection tellement honnête a fait bouger en moi des souvenirs merveilleux et intimes. (Christiane, lectrice)
     
    • Ce livre est un acte d’amour. C’est comment libérer la vie là où elle est emprisonnée. (Laurent Dupuis. Radio France Alzheimer - Emission "Coup de pouce, coup de cœur")
     
    • Ah le beau livre ! la douce écriture... qui nous enveloppe chapitre après chapitre dans cette belle image de l'erouv, chapitres tissés les uns après les autres jusqu'à nous faire entrer dans cette demeure-là de l'intime que tu habites avec ta mère. Toi seul, elle seule, parfois vous deux, ainsi la vie, ainsi la mort... qui sait ? En tout cas, tu lui as fait un très très beau lit dans l'océan, un lit au parfum de la loubia…  (Monique Domergue, poète)
     
    • Un très beau roman, tant par ce qu'il dit des relations fils-mère et des liens qui subsistent grâce à la cuisine, à la voix et aux mains, que par la langue dans laquelle c'est dit…(Catherine, lectrice)
     
    • Un plaidoyer pour les personnes atteintes de la maladie. Oui, il y a des problèmes, les odeurs d’urine et d’excréments, le temps qu’il faut prendre pour les soigner… Mais elles restent des personnes à part entière, qui conservent la vie ! (Tristan Bonhoure - Le Dauphiné libéré)
     
    • Un roman pour faire sonner les silences.
    Quand il vous lit un passage, vous y êtes là-bas, à Oran. "Il n'est pas utile d'avoir une quantité de mots. Les silences parfois, suffisent" souffle-t-il… En inventant des personnages, il invite "l'autre" à rentrer dans cet univers. Tandis que lui-même donne "sa" réponse au monde. (Flora Chaduc - Drôme Hebdo "Peuple libre")
     
    • Le livre d’André Cohen Aknin ouvre des horizons en citant abondamment des chants et des chanteuses aussi dont la plus connue est sans doute Reinette l’Oranaise ; en sorte que son « récit poétique » est aussi un récit musical, au sens où on parle par exemple de « comédie musicale » mais de façon plus secrète et plus intime. Reinette l’Oranaise était d’origine juive puisque fille d’un rabbin de Tiaret, de même Line Monty, dont l’auteur cite assez longuement les paroles, qui étaient un mélange de français et d’arabe :
    « Et on m’appelle l’Orientale
    La blonde au regard fatal… »
    … La mémoire absente de sa mère est finalement pour lui un moyen de retrouver des bribes de leur passé, commun ou séparé. Sans évoquer le témoignage trop écrasant de Proust, il apparaît que la mémoire obéit à des procédures qui n’ont rien de rationnel, et que peut-être même elle les fuit. 
    L’histoire de Juliette pourrait être une sorte de métaphore de ce qui s’est passé dans l’histoire de l’Algérie il y a quelques décennies, un engloutissement dont pourtant, sous une forme presque inaudible, on trouve ici ou là des remontées aussi saisissantes qu’inespérées. Le récit poétique d’André Cohen Aknin ne cherche pas à en faire la théorie, il n’en est que plus convaincant. (Denise Brahimi, site : https://www.coupdesoleil-rhonealpes.fr)
     
    • Ça nous envoie loin dans la matrice… au-delà des étoiles, comme une mélopée orientale à te mettre le cœur en âme. (Juan Antonio Martinez, lecteur - Facebook)
     
    • La mère est la nourriture terrestre qui porte le parfum d'un pays, d'une histoire. En sa présence végétative, il entreprend un voyage au long cours où il lui faut vaincre des obstacles. Les odeurs, les goûts de la loubia et des plats des fêtes juives d'Algérie concrétisent le chemin sur lequel il entraîne le lecteur avec humour et gourmandise. L'apaisement vient avec le triomphe des sensations, des saveurs de l'enfance…
    La phrase est ajustée dans sa musicalité, souvent proche de l'oral, ce qui donne une présence physique au texte, une résonance vivante…
    On perçoit là tout l'intérêt d'André Cohen Aknin pour le théâtre, pour le métier au sens étymologique du mystère, du travail et de l'artisanat ; il a été menuisier…
    Roman de conciliation, de reconnaissance, d'harmonie. Roman d'amour donc. 
    (Geneviève Briot - Extrait de l’article pour la revue "A. Littérature Action")
     
    • Ce livre est avant tout une invitation au voyage.
    Entre Orient et Occident, entre terre et mer, entre mère et fils, enfance et (…) vieillesse, entre rêve et réel…
    Il m’a surprise, saisie, désarçonnée, sans pour autant me lâcher.
    Un lit dans l’océan, c’est une curieuse traversée au cours de laquelle le lecteur respire le monde et la vie par petites touches. Des touches colorées et rapides qui créent une œuvre indéfinissable, insaisissable, quasi impressionniste.
    Mais entre les vagues, derrière la brume, se disent les silences, s’expriment et s’expansent la vie et l’amour entre deux êtres qui pourtant semblaient perdus à jamais.
    En dépit de l’Alzheimer de la mère, le fils recrée le lien en retournant dans les profondeurs.
    Une mère qui pousse un fils à une exploration olfactive, gustative et sonore, et l’embarque avec elle pour faire le plus beau des voyages, celui qui emmène vers l’autre et vers soi-même…
    (Anne-Marie, sur le site des éditions Parole.)

  • Voyage au pays des saveurs

    Voyage au pays des saveurs
    de Genevieve Briot pour la revue A. LITTERATURE ACTION
     
    Qui se laisse porter sur l'océan ? Est-ce le narrateur qui s'abandonne au chant de la vague ? Est-ce Juliette sa mère qui vogue sans repères dans la maladie d'Alzheimer ?
     
    Le fils revient vers elle après une longue absence. Un choc. Le souhait des retrouvailles pourrait s'arrêter là, tant le silence qu'elle lui oppose est impénétrable, tant il est démuni par son mutisme. Elle est devenue une inconnue. Comment la rejoindre ?
     
    Bien sûr, dans sa jeunesse, iI avait voulu aller à contre-courant des habitudes et souhaits du milieu familial, pour devenir LUI dans sa part solitaire et indépendante. Désir d'un enfant bouleversé par la guerre d'Algérie, d'un adolescent meurtri par une forme d'exil et qui avait soif d'un ailleurs, de plusieurs ailleurs.
    Combat de l'homme avec l'ange qui rallie la terre et le ciel, l'individu à l'être.
     
    Sa mère est la nourriture terrestre qui porte le parfum d'un pays, d'une histoire. En sa présence végétative, il entreprend un voyage au long cours où il lui faut vaincre des obstacles. Les odeurs, les goûts de la loubia et des plats des fêtes juives d'Algérie concrétisent le chemin sur lequel il entraîne le lecteur avec humour et gourmandise. L'apaisement vient avec le triomphe des sensations, des saveurs de l'enfance.
     
    Ils ont vécu dans deux mondes qui s'ignoraient mutuellement.
    Raviver la vie heureuse et tragique de Juliette, les musiques d'autrefois, raconter enfin ses voyages à lui, ses épreuves, sa passion de la lecture à elle qui lisait à peine, son envie d'écrire qui a progressé pas à pas.
    Ce qui n'a jamais été dit est révélé à travers des dialogues surréalistes, des rêves…
     
    Juliette a oublié parole et sensibilité au monde qui l'entoure. Il faut reconquérir le lien perdu, syllabe à syllabe, mot à mot, note à note, regard à regard. La présence attentive du fils prodigue, la musique de ses mots opèrent un éveil.
    Le narrateur flotte sur la vague des onomatopées de la vieille dame, de ses sons et phrases décousues. Par un nouveau langage fait aussi de voix et de gestes, il réunit deux mondes séparés.
     
    La phrase est ajustée dans sa musicalité, souvent proche de l'oral, ce qui donne une présence physique au texte, une résonance vivante. 
     
    On perçoit là tout l'intérêt d'André Cohen Aknin pour le théâtre, pour le métier au sens étymologique du mystère, du travail et de l'artisanat ; il a été menuisier. 
     
    Roman de conciliation, de reconnaissance, d'harmonie. Roman d'amour donc.
     
    "Ma mère a le don des femmes vêtues de sable rouge… de celles qui écrivent avec leur cuisine d’où s’élève le parfum des épices… Sous ses mains, les grains de semoule parlent du désert, des chamelles, du quartier, des cris des enfants et du joueur de flûte sous un ciel étoilé…"

  • ELLES RIENT

    "Elles rient" de André Cohen Aknin
    À propos de "D'azur et de feu - Sept visage de Josette Duc" de Geneviève Briot, publié  par Bleu 31. 
    Article paru dans la revue A LITTÉRATURE ACTION N° 9 Octobre-décembre 2020

     

    I - LES DEUX FEMMES
    De mon enfance en Algérie, je garde des rires de soleil. Ils éclairent ma mémoire. C'est également le cas du rire de Josette et de Geneviève, le jour de la photo de la quatrième de couverture. Ce n'était pas un rire bruyant, ostentatoire, mais un rire plein, plein comme un corps entier, un corps de femme, plein comme un poème, un poème-rire.
    Elles riaient aux éclats, assises sur le canapé ; elles riaient d'être ensemble, de pouvoir se regarder, se parler. On aurait dit des adolescentes, même si l'une a 90 ans et l'autre presque 80. Josette est fille de menuisier ; Geneviève, fille de boulanger. Qu'ont-elles en commun ? D'être des femmes, d'être curieuses, d'avoir de l'intérêt pour les autres et une inébranlable volonté d'être libre, libre dans leur manière de penser et dans leur corps. Elles ont aussi le besoin insatiable de lire et celui d'écrire. Josette a beaucoup écrit sur ses carnets de voyage, Geneviève est écrivaine. Elles ont aussi en commun d'avoir enseigné. Josette était institutrice et Geneviève, professeur de français.
     
    Elles se sont rencontrées à un cours d'anglais. Josette y racontait volontiers ses voyages et ses découvertes. Peu à peu, leur relation s'est renforcée. Elles parlaient surtout de littérature, de spiritualité. Les photos de Ramana Maharshi et de Bruno Gröning affichées dans l'appartement de Josette impressionnaient Geneviève. Aujourd'hui, ces sages font partie de sa vie. Josette, elle, a espéré, la veille de sa mort, pouvoir rejoindre ces deux êtres dans l'autre monde.
     
    En 2017, un recueil de poésie de Geneviève est publié (1). Elle dit ne pas avoir d'autre projet. Mais il se passe ce qui se passe dans la vie d'un écrivain : l'impérieuse nécessité d'écrire qui vous tombe dessus sans crier gare. Le jour de la fête des 90 ans de Josette, Geneviève lui propose d'écrire sa vie. Une vie de passion, si pleine, si libre qu'elle ne se sentait pas faire autrement que d'en témoigner. Josette dans sa robe égyptienne paillée de fils dorés, acquiesce : "Si c'est toi, j'accepte."
     
    Écrire à partir d'entretiens, Geneviève l'a déjà fait pour Un livre à la mer (2), à partir d'interviews de personnes en lien avec l'Algérie. Elle ressort son magnétophone, prépare une foule de questions, avec la fièvre qui la caractérise, et se rend chez son amie.
     
    Les informations s'accumulent. Josette ne raconte pas chronologiquement, elle confie des anecdotes, passe de l'une à une autre, revient sur les précédentes. Il y a des ellipses. Difficile parfois de s'y retrouver.
     
    Les deux femmes conviennent que tout ne devra pas être publié. Il ne faudra pas non plus broder, inventer pour combler les vides. Josette parle de l'enfant qu'elle a été, de l'adolescente rêveuse et déterminée, de ses voyages, de ses rencontres, de sa vie d'institutrice, de son mari anarchiste. Josette partage les valeurs de fraternité et liberté des anarchistes sans adhérer au mouvement. Elle croit aussi en la solidarité sans adhérer à un parti, en la spiritualité sans entrer dans une religion instituée. Elle puise dans toutes sortes d'enseignements religieux et plus particulièrement dans les spiritualités orientales.
     
    Josette a aimé d'amitié ou d'amour des gens hors du commun. Vivre pour elle, c'était découvrir et aimer. Elle se souvenait avec émotion de sa passion amoureuse pour le vieil anarchiste libertaire Alexandre Marius Jacob. On entendit son témoignage sur France Culture en avril 2019, lors d'une émission sur ce personnage. Durant l'interview, Josette lut des extraits de lettres de Marius. Sa voix rayonnait comme celle d'un rire.
     
    On découvre dans le livre, pourquoi Josette n'a pas eu d'enfant. C'est une douleur. Isabelle devient au fil du temps sa fille spirituelle.
     
    Les choses se précipitent. Josette apprend qu'elle a un cancer. Elle suit un traitement. Mais celui-ci ne donne pas les résultats escomptés. Josette console ses proches, prépare méticuleusement son départ, donne tout ce qu'elle possède de son vivant. Geneviève héritera "naturellement" de son bureau.
     
    Quand Geneviève lui a présenté les premières épreuves de "D'azur et de feu", Josette a refusé de les lire, disant qu'elle avait bien d'autres choses à lire avant de s'en aller.
     
    Geneviève sent l'urgence, travaille d'arrache-pied. Elle souhaite montrer à Josette le manuscrit fini avant qu'il ne soit trop tard. Geneviève y met un point final, le jour où Josette est hospitalisée.
     
    Le lien entre les deux femmes est fait de rires, d'un profond respect et d'une admiration l'une pour l'autre, d'une joie, d'un fil d'âme, si l'on peut dire.
     
     II - LE LIVRE, LES SEPT VISAGES DE JOSETTE DUC 
    Avec "D'azur et de feu", on découvre la vie d'une Romanaise née à Châtillon St Jean dans la Drôme en 1927 et décédée en 2019 à l'âge de 91 ans. Josette Duc a vécu dans sa petite maison rue Sylvain Marmier, construite par son père, menuisier. Elle a épousé Robert Passas de Bourg de Péage en 1950. Robert était anarchiste, libertaire et poète. Josette, elle, était anti conventionnelle, spontanée, littéraire. Ils sont devenus enseignants, d'abord à l'Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique de Geyssans, puis trois ans au Maroc. Ils sont revenus ensuite dans la Drôme. Ils aimaient enseigner et l'ont fait avec ferveur.
     
    Au fil du récit, on découvre plusieurs visages de Josette. On rencontre la désirante, l'amoureuse, la femme libre, la femme blessée, la voyageuse, la tisseuse de liens, la mystique. Elle est toute en un. Le livre s'organise selon ces sept visages, avec une introduction "Sous le signe de l'amour", sa famille, ses parents.
     Puis suivent huit chapitres :
    1) La désirante : Elle désire, elle veut ou ne veut pas. Elle a une force de vie.
    2) L'amoureuse : On découvre ses pulsions d'adolescente, puis ce fut la rencontre de Robert. Il est poète. Ils sont libres dans leurs amours et pourtant fidèles l'un à l'autre. La poésie, la littérature les unissent. La jalousie n'a pas cours.
    3) La femme libre : Josette fut le dernier amour d'Alexandre Marius Jacob, "l'honnête cambrioleur" du titre du livre de Jean-Marc Delpech son biographe. Il a fait 22 ans de bagne, fut libéré en 1927, l'année de la naissance de Josette. C'est Robert qui a rencontré le vieil anarchiste, qui s'est pris d'amitié pour lui et s'est réjoui devant l'amour de Marius et Josette. Il a écrit : "Elle tomba dans l'hiver de Jacob comme une branche d'avril". Il a 74 ans, elle en a 27.
    4) La voyageuse : Elle participa au Service Civique International pour aider les plus démunis, en France et à l'étranger. Elle voyagea souvent, parfois en autostop, pour aller voir des amis, par soif de découverte, pour se ressourcer spirituellement (USA, Croatie, URSS, Mali, Algérie, Turquie, Israël, La Dominique, l'Inde… et aussi le Transsibérien).
    5) La femme blessée : Robert et Josette vont vivre 20 ans ensemble, puis Robert s'en va. Le titre "D'azur et de feu" vient d'un poème de Paul Eluard "Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné". Blessures physiques et morales. Ce qui la faisait le plus souffrir : les séparations, la mort de ses proches.
    6) La tisseuse de liens : Josette est curieuse de tout, va de stage en stage, de rencontre en rencontre. Elle a des relations, des amitiés avec des gens hors du commun : le militant Louis Lecoin qui s'est battu pour la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience ; un thérapeute japonais Itsudo Tsuda ; François Malkovsky, danseur élève de Isadora Duncan ; Madhury, une mystique ; Igor Reznikoff avec qui elle fait du chant grégorien ; Georges Krassovsky qui parcourt le monde à bicyclette et milite pour la paix ; Victor Lebrun, ami de Tolstoï ; Marcel Body, le secrétaire de Lénine ; Jeanne Humbert, une Romanaise libertaire qui s'est battue pour les droits des femmes (elle a une rue à Romans-sur-Isère). Sa relation amoureuse avec Hans (Jean Mermoux) durera 19 ans.
    7) La mystique : Elle se ressource à différentes spiritualités, celle de jeunes Hongrois relatée dans "Dialogues avec l'ange", des saints chrétiens : Ste Rita, Ste Marie-Madeleine, St François d'Assise. Elle s'initie à L'évangile selon Thomas, non reconnu par l'Eglise. Elle est fascinée par les conférences de Pierre Ganne, jésuite exclu par l'autorité pontificale du fait de son non-conformisme. Elle fait partie d'un groupe Douglas Harding, philosophe mystique anglais, suit l'enseignement de Bruno Gröning, guérisseur spirituel allemand. Elle va à des rencontres avec Amma, avec un yogi indien, avec Frère John Martin moine hindou et chrétien et, surtout, avec son maître spirituel, Ramana Maharshi. Son voyage en Inde à l'ashram de R. Maharshi confirmera son attachement à ce sage.
    8) Le huitième chapitre "D'azur et de feu" montre la plénitude d'une vie. Il y a son dernier amour avec René. Elle a alors 80 ans, elle pensait que sa vie amoureuse était terminée. Tout ce qu'elle a vécu se concrétise là : sa générosité, son amour des autres, son amour de la vie.
     
    Le récit est composé à partir d'écrits propres à Josette Duc et d'entretiens que Geneviève a eus avec elle. Leurs écritures se sont liées comme un tissage de laine et de soie, dit Claudia, une lectrice.
     
    III - LA FABRICATION DU LIVRE
    La mise en page a été réalisée par Colombe de Dieuleveult, une amie de Josette. Elles se sont rencontrées au moment où Colombe réalisait une thèse sur Alexandre Marius Jacob. Son travail de graphiste apporte beaucoup à la lisibilité, à l'organisation du livre et au traitement des photos.
    L'illustration est de Jean-Luc Boiré, qui ne connaissait pas Josette, mais qui fut séduit par son histoire.
    L'écriture, la mise en page et l'illustration ont été offertes, comme si un courant bienveillant passait entre ceux et celles qui participaient à ce livre. J'y ai pris ma part dans la relecture du manuscrit.
     
    IV - GENEVIEVE BRIOT, L'ÉCRIVAINE, LA POÈTE
    Pour découvrir la vibration de l'écriture de Geneviève, au-delà de ses romans, de ses récits et de ses pièces de théâtre, il faut plonger dans sa poésie. Car cette femme est une poète. Sa poésie oscille entre épaisseur et transparence, s'insinue entre peau et chair, puise dans le tréfonds de notre oubli, nous fait brûler de désir, nous rappelle qui nous sommes et le vaste monde qui nous attend. Avec elle, nous devenons caillou, oiseau, bruissement d'un feuillage, fontaine de son village natal de Lorraine, le bleu de Fra Angelico, un hêtre du Vercors, le sable roux du Grand Erg Oriental qu'elle a tant aimé et un marcheur d'un cortège clandestin (3). Avec elle le dimanche habille son regard de lilas (4).
     
    Je l'ai imaginée dans le désert d'Algérie, la peau tannée par le soleil, les mains teintes de henné et le regard brûlant pour les hommes et les femmes de Ghardaïa, à l'orée du désert. Elle est tombée en amour pour cette terre qui lui a inspiré plusieurs ouvrages (5).
     
    Geneviève est une amoureuse de la langue française et le Grevisse est sa bible.
     
    Paul Vincensini est son initiateur en poésie. Ils ont partagé la joie profonde de dire à haute voix. Il l'a entraînée dans le torrent de la poésie d'Alain Borne. Il faut entendre Geneviève dire les poèmes de ce dernier pour saisir sa passion pour la poésie.
     
    Les mots tenus à la crinière deviennent des notes de musique dans un souffle charnel et puissant. Ecoutez un poème d'elle, tiré de Météorites (6) :
     
    Tes mots chuchotés
    je les crie contre les murs
    me reviennent en pleins désirs
    et me mettent à genoux.
    Je ne demandais que ton corps
    où enfouir ma folie
    je ne demandais qu’un peu de ta bouche
    où puiser le rêve que je respire.
     
    Ta vie m’est un silence libre et profond.
     
    Je deviens surface gelée du lac
    les chiens me marchent dessus
    sans que je bouge un cristal.
     
    Ma vie est à claire-voie sur l’obscur.
     
    Le poète Guillevic ne s'y trompa pas lorsqu'il écrivit pour la 4ème de couverture de ce recueil que "la poésie de G.Briot… est plus originale qu'elle peut paraître au premier abord. Une originalité profonde : d'âme si j'ose dire. Il me plaît que ce soit une poésie de femme avec tous les attributs de femme : la sensibilité, la sensualité. J'aime beaucoup cette sensualité affirmée."
     
    Guillevic est un poète qui a compté, qui compte toujours pour Geneviève. Elle l'a rencontré à Rochessauve en Ardèche lors d'un événement poétique. Elle est restée en relation avec Lucie, sa femme. Je retiens chez Guillevic la densité de ses textes, sa capacité à provoquer et saisir les déséquilibres.
     
    Geneviève a aussi rencontré Andrée Chedid, devant qui nous avons dit le poème "Il y aura ceux qui s'aiment"(7). Ce texte montre à lui seul la manière dont nous disons ensemble. J'écrirai bientôt une Lettre d'un colporteur-liseur où j'en dirai quelques mots. (8)
     
    Un autre poème d'Andrée Chedid résonne chez Geneviève : "Femmes de tous les temps".

    Femmes de tous les temps
    Ancestrales et pourtant fraternelles
    Lointaines et pourtant proches
     
    Elles viennent à notre rencontre
    Ces Femmes d’un autre âge
     
    Dans la pulpe éphémère de leurs corps
    Dans la beauté d’un geste périssable
    Dans les brefs remous d’un visage neuf ou vieilli
     
    Ces Femmes immémoriales
    à travers argile et pierres
    écartant les écorces du temps
    Se frayent passage jusqu’ici.
     
    Hors du tréfonds des siècles
    délivrant l’esprit
     
    Non plus femmes - objets
    Mais objets devenus Femmes
     
    Elles lèvent échos paroles
    et questions d’aujourd’hui. (9)
     
    Un feu entre femmes nous parvient à travers les âges. C'est pour cela que la rencontre de Geneviève et Josette Duc ne m'a pas surpris.
     
    D'autres poètes l'ont aidée à avancer, à parfaire son écriture, à aller vers d'autres horizons.
    Il y a François Cheng, cet émigrant qui choisit la France pour sa langue et qui est devenu académicien. C'est l'un de nos grands poètes. Geneviève a correspondu avec lui lors de la sortie de son recueil Un caillou qui pense oiseau. François Cheng est un poète transcendant, présent dans les infimes choses de la vie. À l'esprit et au corps, il ajoute l'âme, ce fil qui relie toutes choses dans l'univers, y compris nous. Ses mots, leur musique, leur graphie, leur marche, nous entrainent et nous rendent la joie des origines. On tient ses mots comme on tient un attelage céleste.
     
    Geneviève est assez réservée. Ce n'est pas elle qui fera un grand discours pour amuser la galerie. Ça ne l'empêche pas de s'enthousiasmer pour un livre, un auteur. Le dernier est Roger-Paul Droit, avec son "Comment marchent les philosophes".
     
    Pour Geneviève, l'écrit, c'est la vie. Elle le disait déjà dans son premier recueil "Basalte" :
     
    Je dérive sur des heures ignorantes
    je respire au jour le jour
    et mon crayon fou
    rêve de mistral
    parle de miel roux.
    Mais je n'y suis pour personne
    j'écris pour faire semblant de vivre
    je vis parce que j'écris.
    Je ne suis qu'un caillou qui suinte
    Un caillou qui pense oiseau
    et qui parle caillou.
     
    Voici la femme qui a écrit "D'Azur et feu".
    Cet azur et ce feu, ce sont aussi elle

    (1) - Un caillou qui pense oiseau. L'Autre incertain Editeur, 2017.
    (2) Un livre à la mer. Récit paru en 2003 aux Editions Marsa.
    (3)  "Jabbaren", tiré de Un caillou qui pense oiseau. 
    (4) "Sérénité", tiré de Basalte, Edition La Coïncidence, Guy Chambelland. Librairie Pont de l'Epée, 1982.
    (5)  L'appel du sud, roman, Edition Marsa - Najib, l'enfant de la nuit, L'Harmattan jeunesse - Un livre à la mer, Edition Marsa.
    (6)  Météorites, Editions Supervie, 1987.
    (7)  Tiré de Textes pour un poème, 1949-1970. Andrée Chedid, Editions Flammarion.
    (8)  Depuis mars 2020, ne pouvant plus donner de lectures de poésie de vive voix, j'adresse de temps à autre, par courriel, des Lettres d'un colporteur-liseur directement à des personnes, comme si je leur donnais un texte à l'oreille. Quelques mots et des textes de poètes, de ces hommes ou de ces femmes volants pour qui le temps ne compte pas et qui savent avant l'heure. Les lettres sont également sur le blog : http://briot-cohenaknin.hautetfort.com.
    (9)  "Femmes de tous les temps" - Fraternité de la Parole. Andrée Chedid.