Je sors dans la chambre
Nous voici confinés,
alors que nous savons, vous et moi, que le mouvement nous est indispensable.
Tout bouge, les cellules, les astres, le temps, les langues…
Que faire alors ?
Bouger évidemment, mais bouger à l'intérieur.
Le poète André du Bouchet nous y invite :
Je sors
dans la chambre
comme si j'étais dehors
parmi des meubles
immobiles
dans la chaleur qui tremble
toute seule
hors de son feu
il n'y a toujours
rien
le vent. (1)
Ce poète est un voyageur de l'instant. J'ai mis longtemps à l'approcher.
J'y vais par petites touches. Je sais que la tâche est longue.
Cet homme "refuse toute idée d'aboutissement" (2).
Ses phrases éclatées, ses ellipses ouvrent des espaces pour notre voyage intérieur.
Avec lui, nous avons besoin de temps. Justement, ce confinement nous en laisse à loisir.
Alors voyageons, marchons
Tout marcheur… vibre déjà dans l'éparpillement du divers. (2)
…si embrasser du regard les choses du monde revient à les avoir à la bouche,
à sentir la page se pénétrer de leur saveur, de leur couleur.
Celui qui parle (je veux dire celui qui écrit) et par lequel se fait jour silence mêlé de parole, tremble dans la joie de devenir. (2)
C'est donc que tout autour de nous compte. Jérémy Cronin, poète Sud-africain en parle également.
Je vous en dirai plus une prochaine fois.
(1) André du Bouchet, Le moteur blanc - Editions Guy Lévis Mano, Edit, 1956
(2) Yves Peyré, André du Bouchet aux prises avec l'impossible parole. Revue CRITIQUE, juin juillet 1979
André Cohen Aknin (AAKC)
Lettre d'un colporteur-liseur N° 3