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Retour au poème précédent

Lettre d'un colporteur-liseur N°30
"Retour au poème précédent" de André Cohen Aknin
Textes cités : "Dernière mode familiale" de Philippe Beck.
 
Je reviens au poème de Philippe Beck. 
Dans ma lettre d'un colporteur-liseur précédente, j'avais l'intention de poursuivre sur ce texte, mais les mots de Guillevic m'avaient traversé et j’ai été détourné. Je reprends donc.
 
Je préfère ne pas 
parler de ma vie.
Un souhait :
épier le siècle
ou bruiteur
de fleurs
et des avenues -
et des faits. (1)
 
Les vers sont courts, deux trois mots, souvent. Pour les comprendre, on les lance loin devant et on attend qu'ils nous reviennent à la manière d'un boomerang aborigène. Nous nous fracassons contre les ruptures. Le fil semble absent, mais il est bien là, en accordéon. On le déplie et le monde s'ouvre sans limites.
Ce poème tourne autour de nous. La famille oui. La famille non. Nous semblons sans solutions. Et pourtant, nous naviguons entre le oui et le non, entre la famille et l'absence de famille, entre le ciel et la terre. Cet entre-deux, cette absence de solution est la solution. L'obligation du mouvement, du doute, car là est l'écriture, là est la vie. 
 
Philippe Beck écrit :
 
La Mémoire
des archives familiales
est inutile
à l'intellectuel
de petite origine. (1)
 
Merci bien, je suis de petite origine et je tiens fermement à mes archives familiales, dont je suis le dépositaire. 
Zut, je parle de moi. Ça va recommencer comme la dernière fois. Non, non et non ! Laissons le “moi” à ses divagations. Je ne suis pas un poète, juste un lecteur de poètes, peut-être même un de ces "esclaves de maintenant", de qui parlent Philippe Beck. 
 
L'intellectuel 
esclave
de maintenant 
écarte
à sa manière
le passé
qu'il a en tête.
Il parle 
des livres
qu'il a lus, 
et sa biographie
est faite.
(Il en veut 
aux livres
plus qu'aux hommes.) (1)
 
En vouloir plus aux livres qu'aux hommes, cela veut-il dire que l'on peut différencier l'homme et le livre ? La question vaut le coup d’être posée. Dans l'Histoire, on a brûlé des livres, mais aussi des hommes. 
 
Pour ce qui est de la concordance de "livres lus" et de "biographie", Beck a évidemment raison, tous les livres que nous lisons font partie de nous, nous construisent. Nous sommes des voleurs de mots, des mâchouilleurs de papiers, des lécheurs d’écrans, des entortilleurs de lettres, d'accents circonflexes et de virgules en dérive, au point de nous retrouver avec des phrases entières tatouées sous la peau.
 
Bon, il ne me reste plus qu'une demi-heure avant le match de rugby à la télé. Les filles du quinze de France affrontent les Anglaises en finale du tournoi des six nations féminin. Je ne veux pas rater ça. Allez les filles !
 
Voici une autre partie du texte du Philippe Beck, Dernière mode familiale. La famille, un sujet où l'auteur a un regard sur "L'hexamètre flottant qui potine".
 
Qui potine
sur la vie
et la société ?
L'hexamètre 
flottant
potine
et chronique
amplement, snob.
Chez moi
il y a un tiret ou trois étoiles ;
entre l'époque 
et ma personne
il y a ce fossé 
avec du bruit :
la place
réservée 
à la famille
et aux archives
domestiques.
Mais la famille 
avait quelque chose 
à dire.
En écoutant 
les bruitages naturels
ou plus que faux
du siècle
nous sommes colorés
par l'écume
de son rouleau,
et nous avons 
une langue
morte en vie
qui n'est pas la langue
de l'appariteur musclé
(elle a beaucoup, beaucoup
de sur, avec, pour). (1)
 
(1) Philippe Beck. Dernière mode familiale. Extrait. Flammarion. Collection Poésie. Texte cité par Un nouveau monde  Poésies en France 1960-2010 - Mille&unepages  Flammarion.

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