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26 points à préciser

Je compte chaque jour : 1 sortie pour me dégourdir les jambes à 1 km de chez moi, que j'additionne à 1 série d'exercices dans mon lit, à 1 douche (le rasage n'est pas régulier), à 1 heure de lecture quotidienne, à l'achat d'1 baguette, à 1 temps d'écriture (que je ne chronomètre pas), à 3 repas, à 1 vaisselle sur 2, à 1 poubelle à descendre... Je n'arrive à compter jusqu'à 26, comme le fait Benjamin Péret dans son texte "26 points à préciser" (1).

Ce texte est pour moi le souvenir d’une aventure ratée. Je devais le donner en compagnie d’une flûtiste, mais, hélas, cela n’a pas pu se faire. Il se fonde sur une équation à première vue loufoque, mais à y voir de plus près... 

Cette équation m'a toujours intrigué. La dire à voix haute est, selon les spécialistes, une gymnastique proche du souffle d'un rhinocéros amoureux. 

 

Ma vie finira par a

Je suis b - a

Je demande c b - a

Je pèse les jours de fête d sur c b - a

Mes prévisions d'avenir d e sur c b - a

 

L’équation grandit à chaque bout de phrase. Son corps s’orne de dentelle du fait des lettres en puissance et des parenthèses en veux-tu en voilà. Elle enfle dans la partie basse, se rétracte à la manière d’un chewing-gum, oscille du côté gauche, prend la tangente avec l’idée d’un suicide heureux, sourit à l’absence de virgule et, pour finir, grossit à la manière de deux pectoraux bien durs (je n’emploie pas le mot “sein”, de crainte de me faire accuser de sexisme). 

 

Mon suicide heureux

Ma volonté

Ma force physique

Mes instincts sanguinaires 

Les cartes ont mis dans ma poche

Elles ont retiré

Il reste

Avec mon nez je sens

Avec ma langue je dis

Avec ma bouche je mange

Avec mes yeux je vois

Avec mes oreilles j'entends

Avec mes mains je gifle 

Avec mes pieds j'écrase

Avec mon sexe je fais l'amour

La longueur de mes cheveux

Mon travail du matin

Mon travail de l'après-midi

Mon sommeil

Ma fortune

Ma date de naissance (1)

 

Benjamin Péret a écrit son équation en chiffres. Ce qui donne en lettres :

m sur n multiplie par - parenthèse - gième racine de d e sur parenthèse c b moins a, fermer la parenthèse, fois f, plus h moins i, fermer la première parenthèse le tout à la puissance j, plus k fois l plus o, le tout divisé par tième racine de parenthèse p fois q plus r fermer parenthèse fois s. A cette entité, on soustrait uv puis w. Alors on élève ce calcul à la puissance x.

Enfin, il suffit d'ôter y sur z, et hop, voila mon année de naissance.

J'ai répété l'équation dans mon lit, comme on compte les moutons. Je me suis réveillé à 3h07 exactement, parce que d'autres chiffres me trottaient dans la tête, ceux des contaminés, des hospitalisés, des décès et le nombre de masques dérobés par de petits futés mal intentionnés. Un moment, j'ai pensé placer ces chiffres dans l'équation de Péret. Ça m'a foutu le bourdon. Faut pas écouter les infos avant d'aller se coucher.

(1) Benjamin Péret, Le grand jeu, Collection Poésie / Gallimard.

André Cohen Aknin (AAKC)

Lettre d’un colporteur liseur N° 10

Je remercie Hugh pour son aide à la lecture de l’équation. Il est professeur de physique et sillonne les déserts australiens à la recherche d'une petite équation couleur bleu nuit, survivante de temps immémoriaux, qui nous fait dire que le rêve n'est pas rompu.

Il vous propose de lire l’équation à votre tour. Adressez-moi vos tentatives. Je les lui transmettrai.  

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