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  • Copie conforme

    Le 19 mai, nous sommes allés voir au Lux scène nationale à Valence le dernier film d'Abbas Kiarostami, « Copie conforme » avec Juliette Binoche et William Shimmel.

    Un écrivain, plutôt désinvolte, fait une conférence sur les relations entre l'œuvre d'art et la copie, cette dernière n'étant pas à minimiser. Une jeune femme, galiériste, assiste à sa prestation, avec le souci de rencontrer plus personnellement l'écrivain. Elle est perturbée dans son écoute par son fils adolescent et doit quitter la conférence. La rencontre a lieu un peu plus tard et la jeune femme jouée par Juliette Binoche, emmène le conférencier à la découverte de la Toscane. De belles images en voiture où les visages des protagonistes s'inscrivent sur le flou des façades qui défilent alors que la conversation hésite, trébuche. Déjà, le réel banalisé semble se dessiner en couches superposées. Peu importe qu'elle le conduise dans un musée pour lui montrer une copie adulée par les habitants du lieu alors que l'original se trouve dans un autre musée. Par le jeu de la caméra qui glisse d'un personnage à l'autre, d'un visage à l'autre, la rencontre de séduction bascule, devient l'histoire d'un autre couple. Où est l'original et où est le fictif ? C'est un film qui requiert la participation du spectateur. On essaie de se remémorer la chronologie des paroles, des gestes, pour trouver des repères.  Tous se mêlent, comme si le vrai et le faux allaient l'un avec l'autre. « En vérité » n'est pas seulement vérité. La face éclairée n'existe qu'avec son ombre. Abbas Kiarostami comme un auteur qui écrit une fiction autobiographique sème le doute au long du chemin. Tout le plaisir est de se laisser égarer. L'imaginaire ne mène-t-il pas toujours à plus de force que le simple rapport du réel ? Ajoutons à cela que trois langues s'entremêlent : le français, l'anglais, l'italien. Ce couple dédoublé se dévoile côté pile et côté face. On reste fasciné par Juliette Binoche tour à tour, coquette, agacée, revendicatrice, sensuelle, tendre.

    Nous avions vu en 2000 un autre film d'Abbas Kiarostami, « Le vent nous emportera » qui se déroulait dans un village du Kurdistan iranien. Un film inoubliable au rythme lancinant tourné dans des paysages grandioses, ceux de paysans pauvres. Tout au long on s'interroge sur la présence du soi-disant ingénieur qui passe son temps à escalader une colline pour pouvoir téléphoner. Il pourrait devenir haïssable, mais une situation imprévue lui permet d'exprimer un peu de générosité.

    Dans « Copie conforme » par un quiproquo extérieur, les personnages sont entraînés là où ils n'avaient pas prévu aller, au cœur d'eux-mêmes. C'est un film aux multiples facettes qu'on ne peut épuiser en quelques phrases. Une des questions traitées dans le film est que ce n'est pas l'objet qui est important, mais le regard sur l'objet.

    Juliette Binoche vient d'obtenir à Cannes le prix d'interprétation. Bravo à cette magnifique comédienne !